ROCKY CXXX (lire 80) : le retour !!

Non, ce n’est pas la chronique du 80° épisode des aventures du boxeur poids lourds bodybuildé Italo-américain.

Il s’agit bien d’un poids lourd mais tirant dans la catégorie « grandes têtes politiques françaises », je veux évidemment parler de Rocky, alias Georges Servet, alias Jacques Malterre, c’est-à-dire Michel ROCARD qui a 80 ans, juste sonnés, vient de me donner deux grandes leçons de clarté intellectuelle et de lucidité politique.

Je ne m’appesantirai pas sur l’exposé magistral qu’il a fait il y a peu sur les grands enjeux géopolitiques et économiques autour de l’Arctique. Après tout on pouvait se dire « A 80 ans Papy a de beaux restes mais s’il peut encore faire joujou et nous éblouir avec les ours blancs et les phoques,  les ZEE, les réserves de gaz et de pétrole, pour le reste il est peut-être largué ! »

Eh bien ! Non ! Samedi 16 octobre, nous étions une bonne centaine, un aréopage d’experts « progressistes », à avoir droit pendant une heure à un exercice de haute volée, autour de 5 thèmes ;

Tout d’abord un aveu émouvant mais plein d’espoir.

A 80 ans passés dont 60 au service de la politique, ce n’est en effet  pas facile de tirer le constat qu’on va laisser le monde dans un état pire que celui qu’a trouvé en arrivant [Pour modérer ce propos de Michel Rocard, je voudrais juste signaler que 1930 est à la Grande Dépression ce que l’année 2009 a été à la Grande Mutation actuelle et on ne peut pas dire que les 15 années qui suivirent furent une grande partie de plaisir malgré la parenthèse lumineuse de 1936 en France]

 Mais pourtant rien n’est fatal pour peu qu’on ait une vision globale des choses et l’envie de la faire aboutir. Il n’y a rien de fatal, du moins pour la gauche, si elle accepte de réinvestir TOUT le patrimoine socio-démocrate depuis Marx, dans son diagnostic sur l’évolution du capitalisme jusqu’à l’autogestion en passant par Paul Lafarge, l’auteur du « droit à la paresse »

Il n’y aura déclin que si nous ratons la sortie de cette phase qu’on appelle « la crise »

A. Le Monde va mal mais c’est au niveau mondial qu’il faudra bien trouver des solutions

 

1.La gouvernance mondiale est dans l’enlisement le plus complet.

*Le G20 se délite progressivement

*Les Etats réarment : les Etats-Unis réarment, la Russie réarme, la Chine réarme, d’autres pays plus petits réarment.

*Le sommet sur le climat de Copenhague a été une catastrophe

*Les négociations autour du Traité de Non-prolifération n’avancent pas : il n’y aura pas d’accord Salt n° ?

*Le cycle de Doha tourne en rond sans avancer.

2.L’Union Européenne ne peut plus être une solution, en l’état actuel de l’Union.

            En effet tirée vers le bas par les petits pays qui la compose majoritairement et qui, n’ayant pas le passé glorieux de puissances d’influence mondiale, n’ont pas d’autres ambitions que de faire de l’union Européenne une sorte de grande Suisse.

            Cette ambition n’est pas à la hauteur d’un ensemble qui pèse 500 millions d’habitants et qui est de fait potentiellement la première économie mondiale ;

3. face à cela nous avons des petits pays désespérés comme ceux  d’AOSIS (Alliance Of Small Islands States) 45 Etats Insulaires dont la disparition est physiquement programmée si les prédictions du GIEEC se réalisent.

Entre d’un côté, un Grand mou et de l’autre des petits désespérés, on risque de passer à des choses beaucoup plus dures [que voulait-il dire en cachant pudiquement sa pensée sous ce terme neutre de « choses » ?] que les revendications actuelles des petits Etats quand on voit ces échecs répétés de la gouvernance mondiale.

Alors que faire ?

  1. Arrêtons avec ces conférences de consensus où le veto d’un seul bloque tout, redonnons à l’ONU et à ses instances tout leurs pouvoirs originels
  2. A l’assemblée Générale de l’ONU, on vote et on décide
  3. La création d’une Agence Internationale de l’Environnement est une évidente nécessité [ c’est dit et répété après d’autres éminents hommes et femmes politiques français-es : l’idée finira bien par faire son chemin]
  4. La création d’un Conseil de Sécurité Economique qui assure pleinement la tutelle sur les instances issues de Bretton Woods, Banque Mondiale et FMI qui ne sont finalement que des satellites de l’Organisation des Nations Unies
  5. Porter et faire voter par l’Assemblée Générale des Nations Unies « une déclaration d’Interdépendance » qui s’imposerait du coup à toutes les nations et ne permettrait à aucune de s’exonérer de ses obligations, notamment environnementales, au nom d’on ne sait quel intérêt national.

 

B. La crise ? Quelle crise ?

Dépêchons nous de dire d’abord que la crise n’est pas finie pour aussitôt ajouter

Il ne s’agit pas d’une crise  mais d’une mutation, c’est-à-dire que nous ne reviendrons jamais en arrière

Et de toute façon, il ne s’agit pas d’une crise mais de plusieurs crises [là, il n’y a rien de bien innovant, depuis Jean-Michel Servet et Jean-Baptiste de Foucauld, nous savons qu’il y a au moins 4 ou 5 crises qui se succèdent et/ou se superposent crise du sens, crise écologique, crise financière, crise économique et crise sociale].

Commençons par la première visible : la crise financière

  1. La Grande Dépression a généré le Glass Steagall Act [séparation des fonctions de banques de dépôt et de « banque de spéculation », on dit aussi « banque d’affaires » pour faire plus neutre]. La perte de mémoire de cette Grande Dépression, l’a fait disparaître en 1997 [à l’initiative de Bill Clinton, pourtant grand maître à penser du renouveau de la pensée social-démocrate mondiale]. Il faut évidemment y revenir
  2. Les produits dérivés ont montré leur nocivité à terme sans avoir démontré auparavant leur utilité. Plutôt que de vouloir tenter de les réguler, il vaut mieux les supprimer
  3. Il faut rétablir le monopole de création de monnaie par les banques centrales [alors qu’avec la BCE, nous assistons à l’inverse : la banque centrale n’a pas le moindre pouvoir de création de monnaie alors que les institutions bancaires et financières en créent à tire-larigo sans s’adosser sur la moindre création de richesse. On ne peut parler de multiplicateur de crédit que lorsqu’il y a à la base un minimum, sinon X fois zéro égale toujours zéro]
  4. Il faut stériliser les paradis fiscaux, sans forcément aller à la chasse aux destinations exotiques : Monaco, Saint-Hillier à Jersey, Isle Of Man, c’est la porte à côté.
  5. Il faut donner un statut de services publics aux agences de notation
    1. Pour le contrôle de la solvabilité des opérations
    2. Pour le contrôle du caractère éthique des opérations
    3. Pour la régulation permanente des flux (fonction de veille et d’alerte)
  6. Constater qu’en matière de finances publiques on est passé d’une capacité nette de financement à un besoin net de financement, [ce qui a pour conséquence d’obérer complètement notre capacité d’investissement public hors emprunt]

 

La crise économique et sociale.

Constater que l’entreprise n’est plus le lieu de distribution des richesses. Sans rentrer dans les querelles de spécialistes sur la date et l’ampleur réelle du phénomène, constater qu’environ depuis trente ans la part des salaires et des charges sociales dans l’économie a baissé de plus de 10 points [thèse notamment défendue par Pierre Larrouturou qui fut peut-être le premier à mettre en évidence ce décrochage des salaires par rapport à la richesse produite]

Constater que l’entreprise n’est plus forcément considérée comme une entité économique  mais qu’elle est de plus en plus souvent réduite au rôle d’actif financier qu’on achète et qu’on revend, qu’on dépèce et qu’on externalise.

Proposition : Le meilleur moyen de sauver l’entreprise en tant que concept et que réalité économique, c’est …de développer l’actionnariat salarié.

            La crise écologique. La crise du travail.

 

Il faut lier les deux, c’est-à-dire associer la finitude de nos ressources à l’idée que le travail n’est pas nécessairement une vertu cardinale, du moins dans sa version salariale.

La finitude de la planète implique que la croissance soit plus écologique, c’est-à-dire plus lente.

Pour ce qui est de la relation au travail, il ne sert à rien de refaire le débat sur les 35 heurs mais se souvenir que John Maynard Keynes indiquait déjà en 1930 «  D’ici la fin du siècle, [c’est-à-dire il ya 10 ans], il suffira de 15 heures de travail par semaine pour satisfaire les besoins de la population. »

Il fondait son calcul sur les gains de productivité de l’époque. Or les gains de productivité ont été considérablement plus élevés et même si la croissance de la population a été plus forte que ce que laissait présager les prolongations de tendances démographiques de l’époque, ceci n’explique pas qu’on n’ait pas réussi dans aucun pays développé à réduire le temps de travail à ce niveau. Il y a donc une véritable réflexion à mener sur ce point.

La crise des valeurs

Michel Rocard nous invite à une introspection in petto. Réfléchissons un instant à nos 5 plus beaux souvenirs ! Aucun n’est lié à l’argent. Donc, dans notre système de valeur spontané l’argent n’a pas la place que lui donne le système économique fondé sur un concept basique : la cupidité [en cela, Rocard rejoint Servet, Jackson et de Foucauld, qui chacun a leur façon disent la même chose].

En acceptant des modes de rémunération extravagant, revendiqué comme un droit, en légitimant la captation de richesses par le système bancaire, le capitalisme financier a changé de paradigme électoral : on est passé du droit à gagner sa vie au droit à « faire fortune[MdlJ1] [MdlJ2]  »

La réponse pour retrouver la raison, c’est d’utiliser les armes dont dispose l’Etat :

La fiscalité sur le patrimoine,

les droits de succession

Les Médias

Tout est dit dans un livre « Amusing ourselves to death » de Neil Postman paru en 1985 et toujours pas traduit en Français.

Les medias et les technologies qu’ils véhiculent ne permettent plus de capter la complexité, ni le long terme.

Et encore Neil Postman a écrit son livre alors qu’Internet n’était encore qu’un réseau entre universitaires un peu branché.

Et là, nous avons un vrai problème pour poser le débat démocratique.

Que les médias nous disent ensuite que Michel Rocard soutient la réforme des retraites telle qu’elle se prépare paraît du coup incongru et un peu suspect. Peut-être un coup bas, un coup en-dessous de la ceinture!!

http://www.youtube.com/watch?v=OddPhO1-pVI&feature=fvw mais vous êtes pas obligé d’aller au bout si ça vous insupporte.


 [MdlJ1]Et ce droit à faire fortune justifie tout depuis la rémunération extravagante des traders , lew « salaires de sportifs dits de haut niveau, la prolifération des sites de paris et de jeux en ligne, bref « l’économie casino » dont un des avatars les plus détestables est la pratique du Yield management par la SNCF, société nationale de service public !

 [MdlJ2]144 milliards de dollars à se répartir rien qu’à Wall Street en 2010

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3 commentaires pour ROCKY CXXX (lire 80) : le retour !!

  1. Loréal Alain dit :

    J’y étais aussi et je suis bluffé par la mémoire de l’intervention que tu as !
    Sur le fond c’est tout à fait ça. Michel Rocard m’a époustouflé, C’était d’une autre tenue que le discours à la limite de la futilité de Peillon, quel allant, quelle finesse de pensée !
    Un vrai discours de gauche comme on aimerait en entendre plus souvent. (mais qui ?)
    Dommage il a 25 ans de trop et les restes d’un AVC…

  2. Paule Pichet dit :

    Je n’y étais pas donc je ne peux juger de la mémoire du sieur !
    bien qu’éloigné du sujet, « ce droit à faire fortune » m’évoque la gestion démocratique du pouvoir à une certaine époque en Amérique latine : la richesse n’est pas le fruit du travail mais la capacité à faire main basse sur un certain nombre de ressources (les mines, le foncier etc) N’est puissant et respectable que celui qui sait s’approprier les richesses des autres ! depuis la seconde moitié du 20e siècle, le jeu politique n’est plus clairement lié à l’appropriation dans ce type de pays, le capitalisme financier aurait-il pris le relais dans nos contrées ?

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