Lecture au coin du feu n°1 Edgar Morin/Boris Cyrulnik « dialogue sur la nature humaine »

L’été est une saison propice pour la lecture de gros bouquins bien calé dans une chaise longue à l’ombre des arbres fruitiers.

L’hiver est une saison tout aussi propice pour la lecture de bouquins peut-être moins gros (je me suis d’ailleurs toujours demandé pourquoi les bouquins d’hiver faisait plus souvent 150 pages que 250 pages et que les bouquins d’été atteignaient plus souvent les 350 pages voire plus. J’en arrive à la conclusion que ça doit être lié à la durée du jour) mais qu’on déguste un verre de (censored on behalf of Evin’s Law) à portée de main dans les moelleux coussins du coin cheminée.

Voici une vrai petite merveille; un livre tout petit (non ce n’est pas le testament d’espoir de Stephane Hessel mais c’est un cousin) d’à peine 75 pages. En fait, même si cela n’est écrit nulle part cela ressemble fort à la retranscription d’un dialogue radiophonique entre deux très grands esprits, Boris Cyrulnik et Edgar Morin.

C’est Nassim Nicholas Taleb (« le Cygne Noir ») qui dit qu’en faisant un petit effort intellectuel de synthèse on arrive à résumer en 2 ou 3 pages les idées contenues dans la plupart des livres d’économie, aussi épais soient ils   mais que vouloir faire la même chose relève de la gageure dès qu’on s’attaque à un roman (un vrai) ou un livre de philosophie (un vrai).

C’est pourquoi je ne me risquerais pas à vouloir présenter de façon synthétique cet échange de deux grands esprits très curieux de tout.

Donc, ce sera autre chose. J’ai pris au vol de la lecture  quelques phrases dont on se dit à la relecture que chacune pourrait inspirer une dissertation philosophique. Et le tout en devisant à bâtons rompus devant un micro d’un studio de radio. Chapeau messieurs!

voici donc ma première « synthèse » d’hiver

« quest-ce que la culture? C’est le fait de ne pas être désarmé quand on vous place dans diférents problèmes! »

« La pensée occidentale ( et c’est son grand piège) a fini par croire que la partie peut être séparée du tout, alors que la partie est un élément du tout. » 

« On a même oublié que l’expérimentation consistait à prendre un corps hors de son milieu naturel et à le faire travailler, l’influencer dans un milieu artificiel. »

« Aujourd’hui, le déferlement des pouvoirs manipulateurs de la science depuis l’énergie atomique jusqu’à la génétique, est tel qu’il pose problème »

« Dès le XVII° siècle, deux types de pensée se posaient. Celui de Descartes (qui a triomphé) disait : »Quand je vois un problème très compiqué, je divise ses difficultés en petites parties et une fois que je les ai toutes résolues, j’ai résolu le tout. » Celui de Pascal disait :« Je ne peux pas comprendre le tout si je ne connais pas les parties et je ne peux pas comprendre les parties si je ne connais le tout. »

« Opérer en même temps un réforme des structures de pensée. Il ne suffit pas de juxtaposer les apports du sociologue, du psychologue, du biologiste, il faut les raccorder. Je crois qu’on est vraiment victime d’un mode de pensée alternatif. »

« Le cerveau est vu sous l’angle biologique et l’esprit sous l’angle culturel- d’ailleurs, on traite le cerveau dans les départements de biologie et l’esprit dans les départements de psychologie. »

« En somme, comme l’affirme Cioran, le drame n’est pas tellement de mourir mais d’être né, puisque la mort commence à la naissance. »

« Je pense qu’il y a non seulement deux naissances, mais plusieurs naissances de l’humanité. Aujourd’hui, la question est de savoir s’il y aura une nouvelle naissance de l’humanité – en somme la capacité de l’êre humain, des groupes et des sociétés à se confédérer pacifiquement sur la Terre. »

« Enfin, « caca boudin » est à mon sens le jeu suprême car, par le jeu de mot, il montre justement à travers la liberté absolue qu’on peut vivre dans un monde de virtualité, grâce à nos parole. »

« Les jeux de mots sont rares chez les chats, pourtant ce sont les maîtres du monde, ce sont eux qui nous domestiquent… »

« Si un être vivant, une plante, un animal ou un homme est trop spécialisé, il fait des performances de plus en plus grandes et devient de plus en plus vulnérable, puisque la moindre variation condamne l’espèce entière à mort. »

« Au début de la révolution verte, lorsqu’on a voulu rationaliser les cultures en sélectionnant le génome le plus important d’une espèce de blé ou de riz, il suffisait qu’un pathogène attaque ce génome pour que toute la récolte soit foutue. Et l’on est rapidement revenu à l’idée d’une nécessaire diversité génétique. »

« Si on quitte le laboratoire et qu’on replace l’être organisé dans le vivant, on voit que l’individu peut mourir , mais pas la vie. »

« On sait désormais que ce qui différencie une machine vivante d’une machine artificielle, c’est qu’une machine artificielle, bien que consituée de pièces extrêmement fiables commence à se dégrader dès qu’elle se met en marche. »

«  Le plus sûr moyen d’assassiner une idée, c’est de la vénérer. Faire vivre une idée, c’est au contraire, la débattre, la combattre, chercher à tuer certains éléments qui la composent. »

« J’appelle théorie un système d’idées qui se nourrit dans l’ouverture avec le monde extérieur, en réfutant les arguments adverses ou en les intégrant s’ils sont convaicants, et en acceptant le principe de sa propre mort, de sa propre biodégradabilité si par exemple des événements infirment la théorie…Une doctrine, est une théorie, mais elle est fermée. »

«  »LLes sociétés et les cultures qui ont pensé la métempsychose ont fourni très peu de racismes, puisque les hommes s’entrainaient à se mettre à la place d’un autre etre vivant. »

« La rationalisation devient alors un mal effrayant, parce que l’esprit rationalisateur se croit rationnel et que les autres sont délirants. »

« Les seuls à avoir des certitudes sont les délirants. »

« C’est pour des raisons irrationnelles que nous rationalisons. »

« Si la rationalité contrôlait tout, il n’y aurait plus d’inventivité dans l’espèce humaine. »

« Paul Valéry disait que deux grands dangers menacent l’homme, le désordre et l’ordre. »

« Le désordre pur, c’est la dissolution générale, l’ordre pur, c’est la congélation générale. »

« Si le sens de la communauté se révèle inexistant, la liberté tend à devenir plus destructrice que productrice. »

« Tout commence par un déviance qui, dans certaines conditions favorables, devient une tendance. »

« Mais il ne faut pas oublier que la démocratie est, en profondeur, l’organisation de la diversité. Une démocratie suppose et nécessite des points de vue différents, des idées qui s’affrontent.Ce n’est pas seulement la diversité, c’est la conflictualité. »

« Il est certain que les nations se sont fondées sur l’idée d’une communauté de destin; il est évident qu’appartenir à une nation donne l’impression qu’on est enraciné dans une communauté. »

« S’il y a une catastrophe écologique, ce sont peut-être les fourmis qui en profiteront. »

« Eduquer, c’est conduire hors de soi. »

« C’est la fragmentation du discours compartimenté, technico-scientifique qui, dominant sur la planète, ne voit  à chaque fois que des coupes et qui élimine tout ce qui est de la chair, de la vie, de la passion,de sens, de l’humanité! Et à ces deux types de discours mutilants qui déferlent aujourd’hui, il faut opposer le discours du rassemblement, de la connexion, de la communication de l’empathie, de la communauté et de la communion… »

« Et cela contraint à se forger, à devenir soi-même pour rencontrer un autre qui, lui aussi, est un autre soi-même. »

C’est sur ces deux phrases que se termine ce petit bouquin dont on comprend pourquoi les éditeurs l’ont appelé « dialogue sur la nature humaine ».

Si ça vous amuse vous pouvez essayer de rechercher qui a dit quoi dans ce dialogue mais c’est peine perdue tellement il semble évident que les neurones de l’un  ont rapidement connecté avec les neurones de l’autre

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Un commentaire pour Lecture au coin du feu n°1 Edgar Morin/Boris Cyrulnik « dialogue sur la nature humaine »

  1. Kamille dit :

    Un très bon livre sur la remise en question, l’avenir de l’humanité et la société.

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