Une association nationale, conglomérat hétéroclite de voisins en colère, d’amoureux nostalgiques des paysages champêtres du XIX° siècle et de défenseurs farouches du nucléaire-énergie propre s’ingénie à ralentir les projets de fermes éoliennes terrestres. Mais bon an, mal an cette filière arrive à suivre le plan de croissance tracée par la loi Royal, maintenant que son environnement juridique et financier semble mieux assuré.
Mais cela restera insuffisant pour aller plus vite, plus loin afin de rendre plus facile le choix de l’abandon progressif du nucléaire. Une piste s’avère prometteuse, toujours portée par la force du vent, l’éolien en mer sous ses deux versions , sur pylônes fixes ou sur plates-formes flottantes. En effet l’inventaire réalisé conjointement par deux newsletters spécialisées, une française et une britannique est éloquent : https://energiesdelamer.eu/2017 année charnière pour la progression du développement de l’éolien en mer ?
Imaginez, en un an 3.612 MW ont été mis en service sur les littoraux européens, soit l’équivalent de deux fois Fessenheim . Et les perspectives de progression sont encore plus optimistes. En effet, les coûts baissent à très grande vitesse, au fur et à mesure que les opérateurs maîtrisent mieux toute la chaîne de production et d’acheminement de l’électricité.
Et dans ce contexte euphorique, une entreprise basée en France, à Saint-Nazaire est en passe d’imposer un nouveau modèle de développement fondé, on peut le regretter, sur la course au gigantisme :https://energiesdelamer.eu/General Electric : répondre aux futurs marchés avec une éolienne de 12 MW
Maintenant que les querelles de voisinage, autour de deux sites essentiellement, sont en voie de règlement, on pouvait même penser qu’en la matière la France allait rapidement rattraper son retard. 6 fermes à 500MW chacune entrant progressivement en activité, ça pèse un peu dans la balance. Mais c’était sans compter sur la capacité française à embrouiller les situations simples à cause de considérations parfois surprenantes, fondées essentiellement sur des relations toujours perverses entre grands groupes industriels et pouvoirs publics.
Toujours est-il qu’une polémique est en train d’enfler autour d’un minuscule amendement à un projet de loi qui ne traite pas de la politique énergétique (grande spécialité des lobbyistes français, le « cavalier législatif ») : https://energiesdelamer.euL’UFE : L’Etat au service d’une société de confiance introduit une insécurité contractuelle. Pour l’instant un contre-feu a été allumé, qui ne résout rien sur le fond https://energiesdelamer.euArticle 34 : Amendement – La Commission spéciale du Sénat émet un avis défavorable
Mais au fait de quoi s’agit-il ? Le long article ci-après vous donne toutes les clés du marché et des tractations en coulisse :
https://energiesdelamer.euDécryptage de la guerre des prix sur le marché de l’éolien offshore européen
Je résume en quelques phrases. Actuellement, les appels d’offre dans les pays les plus avancés en la matière se négocient entre 45 et 54 € le MW. GE avec sa « petite » (220 mètres de haut quand même soit la hauteur de la Tour Montparnasse) merveille pense participer à des projets à 60 € le MW. Or les projets français ont été choisis entre 2012 et 2013 avec les prix de l’époque, majorés, soit entre 180 et 200 € le MW. Evidemment la lourdeur des procédures françaises est un peu en cause, évidemment aussi les postulants ont présentés des projets qui n’étaient pas tout à fait ficelés, évidemment, il y a eu des râleurs ralentisseurs et naturellement, de gros retards se sont accumulés et ce qui aurait pu être admissible en 2015, devient intolérable, pour les pouvoirs publics, en 2018. Ceci explique donc cette volonté du gouvernement de remettre à plat les conditions financières des projets. En effet, puisque sur les six sites, on retrouve des consortiums qui rassemblent ce que l’Europe fait de mieux dans cette filière, il paraîtrait anormal que des soutiens exagérés via de prix de rachat extravagants, permettent à des opérateurs européens de gagner à des prix compétitifs des marchés ailleurs en Europe, grâce à cette subvention qui ne dit pas son nom, de l’Etat français. Confronté au même problème, il semblerait que le gouvernement belge n’ait pas hésité à dénoncer trois contrats. Mais les Belges ne sont pas les Français.
Voyons maintenant le fond de la négociation et prenons des comparaisons avec les marchés publics, des TP par exemple. Il est rare qu’un marché signé soit celui qui est effectivement exécuté car d’avenant en avenant, le prix finalement payé par la puissance publique dépasse allègrement l’enveloppe contractuelle de départ. Prenez par exemple les futurs JO 2024 de Paris : les travaux n’ont pas encore commencé qu’on parle déjà de dérapage. C’est toujours pour moi une source d’étonnement, l’imprévoyance de ceux qui lancent des appels d’offre mais aussi de ceux qui y répondent. Toujours est-il qu’il paraît normal à ces entreprises de transférer à la puissance publique le surcoût et donc de lui faire porter tout le poids du risque industriel. Pour autant, personne dans les services de l’Etat n’a jamais remis en cause le niveau de confiance que la puissance publique a vis à vis des entreprises soumissionnaires.
En outre, il semblerait aussi, mais là je n’ai pas d’autres informations que des bribes récoltées de-ci de-là au gré de dépêches d’agence, que les projets déposés n’étaient ficelés, ni techniquement, ni financièrement. Compte tenu de la rapidité de l’évolution technologique, rien n’empêche les heureux détenteurs des permis d’adapter à la baisse leur propositions et donc de proposer des avenants de moins-disance mais cela ne se fait pas.
C’est donc dans ce contexte que devrait se nouer ce qui ressemble quand même à un bras de fer soigneusement orchestré par des groupes d’influence ayant trouvé de puissants porte-voix face à un pouvoir politique qui semble également peu enclin à se laisser tondre. Il serait quand même urgent de trouver une solution pour ces 3 GW car le potentiel littoral français est d’après l’ADEME de 30GW soit 18 fois Fessenheim. Plus vite on arrivera à l’exploiter, plus facile sera la transition vers un autre modèle énergétique. Mais ces palinodies sont bien caractéristiques du modèle français de la commande publique.