Toutes les gastronomies du monde ont leurs recettes de « sauce verte » dont le seul point commun est qu’elles tirent toutes leur couleur d’une incorporation plus ou moins importante d’herbes diverses et d’aromates. Il y a donc autant de nuances de vert qu’il y a de recettes, certaines très légères comme celle que j’utilise pour farcir mes palourdes, d’autres beaucoup plus indigestes.
Il se trouve que dans leur tambouille politique, les politiciens utilisent aussi très fréquemment le « verdissement » avec également une grande nuance de vert de l’un à l’autre.
Ainsi, Jupiter, que pour l’occasion on pourrait même appeler Jupivert, a l’ambition de porter sur les fonds baptismaux, une « industrie verte » avec la bénédiction de la Commission européenne https://www.euractiv.fr/Industrie verte : une « révolution doctrinale » se dessine en Europe, selon Emmanuel Macron et Thierry Breton publié le 12 mai 2023 à 7:03. Cela ressemble beaucoup à une réponse à que le Président états-unien a mis sur la table avec son projet d’IRA1 https://www.lesechos.fr/Réindustrialisation : Emmanuel Macron veut « rivaliser » avec les Etats-Unis Publié le 11 mai 2023 à 19:19Mis à jour le 12 mai 2023 à 7:14 sauf que les moyens mis en œuvre ne sont pas les mêmes, ni dans leurs montants, ni dans leurs outils. Là où les Etats-Uniens distribuent des subsides, les Européens, donc les Français, mettent des taxes https://www.ouest-france.fr/Climat. Les États-Unis carburent aux aides d’État, l’Europe à la taxe carbone Publié le 12/05/2023 à 08h01. Notez que ces taxes sont tellement mal ficelées que certaines entreprises européennes arrivent à les transformer en super-bénéfices, ce qui n’est pas vraiment sérieux. Il n’empêche que bien utilisé ce système de taxe sélective peut s’avérer un outil efficace de protection comme on envisage de le faire pour le secteur automobile https://www.lemonde.fr/Automobile : le bonus écologique va prendre en compte l’empreinte carbone Publié le 12 mai 2023 à 07h29 . C’est en fait la réponse du berger à la bergère pour contrer les mesures discriminatoires imposées par l’IRA aux automobiles non produites sur le territoire états-unien. Il s’agirait là donc d’une nouvelle réglementation mise en place afin de s’adapter aux conditions de concurrence imposées par notre partenaire historique.
Et c’est justement ce moment que choisit Jupivert pour demander une pause dans la frénésie réglementaire de l’Europe https://www.lemonde.fr/Industrie : Macron appelle à une « pause » dans la réglementation environnementale européenne Publié le 12 mai 2023 à 00h06, modifié à 08h26 . Je veux bien croire que ces changements incessants des règles du jeu puisse déstabiliser le système industriel qui a, du coup, beaucoup de mal à s’adapter en permanence. Vérifier que les premières mesures mises en place sont efficaces serait du pur bon sens. Ce serait vrai dans un monde en mutation lente et progressive.
Mais les économies mondiales sont confrontées à un formidable bouleversement, qui nécessite une véritable bifurcation des modèles de développement ce qui entraine nécessairement une remise à plat de toutes les règles. C’est le sens de l’appel du Président de la Banque mondiale à la définition de nouvelles normes https://blogs.worldbank.org/Changement climatique : pour réduire réellement les émissions, il faut des normes et des processus de vérification et de standardisation DAVID MALPASS|09 MAI 2023. Comme on le voit, dans le cadre de la gouvernance économique mondiale, le temps n’est pas à la pause normative mais au contraire à l’accélération. Mais là où Jupivert a raison, c’est dans la mise en œuvre de ces nouvelles normes. Il faut effectivement se donner les moyens de vérifier que ces règles nouvelles sont applicables ET appliquées.
Mais on peut comprendre aussi cette crainte de Jupivert que l’Europe aille trop vite et se donne, avec bonne conscience, des entraves que n’ont pas encore les économies concurrentes, crainte qu’il résume en une phrase « …être les mieux-disant en termes de réglementation et les moins-disant en termes de financement… ».
Du coup, il nous interpelle sur la faisabilité de cette bifurcation nécessaire et renvoie à la question que se posent beaucoup https://www.ouest-france.fr/Finance et écologie sont-elles compatibles ? Trois questions pour mieux comprendre Publié le 11/05/2023 à 14h16. Mais à leur façon, les banquiers commencent à répondre et changent peu à peu leurs logicielshttps://www.lesechos.fr/Climat : BNP Paribas précise ses engagements sur le pétrole et le gaz Publié le 11 mai 2023 à 17:43Mis à jour le 11 mai 2023 à 19:01. Certes, ils ne le font pas de bon cœur, mais dans un subtil mélange d’analyse financière, d’analyse marketing et de coût de notoriété, ils en arrivent à la conclusion qu’à terme la perte de réputation, sous la pression d’ONG, est peut-être pire que la perte d’un point ou deux de rentabilité. Ceci devrait rassurer Jupivert.
Mais manifestement Jupivert a conservé un vieux logiciel puisqu’il ne propose comme appât nouveau que la vieille recette du crédit d’impôt https://www.lesechos.fr/Emmanuel Macron dégaine un nouveau crédit d’impôt pour l’industrie verte Publié le 11 mai 2023 à 19:02Mis à jour le 11 mai 2023 à 19:27dont on a vu l’inefficacité ces temps dernier.
En fait la recette de sauce verte du président Jupivert c’est la vieille recette de tous les syndicats patronaux MEDEF FNSEA en tête , moins de normes, moins d’impôts, plus d’aides.
Ce faisant, il a peut-être également réussi une autre recette, celle du pâté d’alouette vert, moitié allouette, moitié porc, c’est à dire une alouette d’écologie, pour un porc d’avantages fiscaux.
1Ira : mot latin qu’on traduit généralement par « colère », tout un programme ! C’est aussi le nom de l’armée républicaine irlandaise, organisation longtemps considérée comme terroriste ce que ne peut ignorer le président Biden lui-même d’origine irlandaise lointaine