L’enfer est pavé de bonnes intentions ou le vice et la vertu

Transformer nos déchets en énergie semble une démarche écologiquement vertueuse et de fait, elle l’est….si du moins on respecte certains principes.

C’est d’ailleurs ce que nous rappelle cette note, pédagogiquement très bien faite par le CLER https://cler.org/Méthanisation : 5 ressources clés pour comprendre son rôle dans la transition (je vous invite d’ailleurs à consulter les documents joints qui nous en apprennent beaucoup). Que le CLER fasse cette démarche didactique, rien de plus normal puisque c’est dans leur ADN. D’ailleurs ce n’est pas pour rien que le CLER est à l’origine de ce réseau de collectivités territoriales « territoires à énergie positive » (ou TEPOS) qui promeut nombre d’initiatives d’autonomisation énergétiques de territoires entiers.

Bon, ceci, c’est la démarche vertueuse, celle que tout le monde devrait suivre. Elle présente l’avantage d’être un pari gagnant pour toutes les parties prenantes et surtout de rester pilotable à une échelle territoriale.

Mais l’idée de transformer des matières organiques, végétales ou animales a aussi parue géniale à des esprits mus par une logique industrielle productiviste, c’est à dire de rendement maximal à partir d’entrants spécifiques et peu importe, dirais-je tout ce qui n’est pas le processus lui-même. C’est la logique qui a prévalu, avec les effets néfastes qu’on constate tous les jours, depuis la révolution industrielle du XIX° siècle, logique à laquelle, reconnaissons-le, nous devons cette abondance apparente actuelle mais aussi tous les dégâts que ces excès ont généré.

Pour illustrer tout cela, rien ne valait que la mise en scène du groupe qui symbolise actuellement le mieux cette logique, combinaison d’esprits d’ingénieurs et de financiers. En effet c’est le groupe Total-dit-Energies, qui justifie ainsi le « S » final de son nouveau pseudonyme qui manage le plus gros projet de méthaniseur de France :
https://www.actu-environnement.com/La plus grosse unité de méthanisation du pays entre en service dans le bassin de Lacq| 13 janvier 2023
https://www.revolution-energetique.com/Voici le plus grand méthaniseur de France 25 Jan 2023.
Si l’article d’Actu-environnement reste très factuel, celui du blog Révolution énergétique se veut plus didactique et tente de resituer la démarche de Total-dit-Energies dans un contexte de transition écologique réussie.

Or, les chiffres restent des chiffres. En premier lieu, il aurait été intéressant de savoir dans quel rayon le projet comptait récolter les 220.000 tonnes de déchets organiques dont il aura besoin pour fonctionner. Par contre on sait que les 200.000 tonnes de digestat pourront alimenter des entreprises agricoles dans un rayon de 50 kilomètres. Si pour un projet censé produire 160 Twh, il faut ce rayon d’épandage, calculez ce qu’il faudrait si le groupe veut atteindre son objectif de 20 Twh : la France entière n’y suffirait pas. Il y aurait peut-être un peu d’éxageration dans la présentation du projet, que cela ne m’étonnerez pas. En surfant sur le discours écologique développé par le CLER mais aussi plus officiellement par l’ADEME, n’est-on pas en train de faire ici ce qu’en bon français on appelle de l’éco-blanchiment (vous aurez noté qu’en passant du franglais au français, la couleur déteint un peu) ?

Et de fait, il y a bien de la part des grands groupe énergéticiens (on ne dit plus groupes pétroliers, tellement cela paraît insultant) une volonté d’imposer un modèle productiviste là où au départ, il y avait une démarche anti-productiviste https://reporterre.net/Méthanisation : les géants du pétrole se ruent sur le biogaz 14 janvier 2023 à 09h46 mis à jour le 16 janvier 2023 à 10h13. Et Reporterre a sûrement raison de parler de contradiction entre la transition énergétique, qui justifie TOUT au nom de la décarbonation, et la transition écologique qui ne justifiera RIEN qui ne soit au final une moindre empreinte sur la planète. Car, en effet, dans la réalité, ces grands projets sont confrontés rapidement à une pénurie de matières premières et l’exemple bourguignon, repris par Repoterre, est là pour illustrer que rapidement, au lieu d’être un allié vertueux d’une agriculture responsable, ce genre de projet devient rapidement un prédateur de la fonction nourricière de l’agriculture en transformant les exploitations agricoles en gisement de matières premières à vocation industrielles. On est loin là de l’ambition de nourrir le monde et loin du schéma d’économie circulaire qui faisait des déchets agricoles les matières premières d’une production énergétique dont le résidu, le digestat, devenait à son tour un intrant sain pour l’agriculture.

Comme quoi l’enfer est souvent pavé de bonnes intentions et le dossier de presse remis par les grands groupes énergéticiens pour présenter joliment leurs projets, qui le sont moins, est une forme d’hommage de leur vice à la vertu qu’ils vont outrager.

Publicité
Cet article, publié dans développement durable, est tagué , , . Ajoutez ce permalien à vos favoris.

Un commentaire pour L’enfer est pavé de bonnes intentions ou le vice et la vertu

  1. Ping : Le vice et la vertu, épisode 2, la vertu | Dominiqueguizien's Blog

Votre commentaire

Entrez vos coordonnées ci-dessous ou cliquez sur une icône pour vous connecter:

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur la façon dont les données de vos commentaires sont traitées.