J’évoquais dans un précédent billet le cas de la sous-ministre en charge de l’économie sociale, solidaire et responsable. J’y reviens grâce à un petit flash back.
On pensait avoir atteint le fond avec le calamiteux haut commissaire à l’ESS dont l’histoire oubliera certainement le nom. Mais je dois dire qu’avec la sous-ministre en charge du secteur , on est en train de creuser encore plus profondément.
Certes, elle ne vient pas de ce monde et ses références, seraient plutôt du côté de la publicité et de la communication pour ce qui est de l’activité économique et du libéralisme économique pour ce qui est de l’idéologie.
Naturellement, nourrie à de telles sources, sa vision de l’ESS ne peut être que biaisée. Mais hormis cela, son discours a le mérite de la cohérence comme on peut s’en rendre compte en lisant cette longue interview https://www.societal.fr/Olivia Grégoire : la loi PACTE est une loi de responsabilisation du capitalisme qui a le mérite d’être très opérationnelle
Certes, elle est la patronne de l’ESS mais elle ne parle quasiment que la loi PACTE avec quand même quelques perles que je vous livre.
« C’est une loi de responsabilisation du capitalisme » J’ai déjà écrit sur l’interprétation tendancieuse qu’on pourrait faire de cette sentance péremptoire. Je maintiens et signe : avant Madame Grégoire et son boss, le capitalisme aurait été irresponsable. Je la laisse responsable de ce propos.
« 1301 entreprises sont déjà devenues sociétés à mission…… 2/3 d’entre elles sont des TPE de moins de 50 salariés » Qu’un patrond’ume très petite entreprise ressente le besoin de lui définir une mission me laisse un peu rêveur. A cette taille, l’entreprise c’est souvent l’entrepreneur. Ces quelques mille entrepreneurs connaîtraient-ils des doutes existentiels ?
« Les entreprises se positionnent de façon assez équilibrée entre l’environnemental et le social et beaucoup mettent en avant la notion d’accessibilité au plus grand nombre, que ce soit pour l’alimentation, le logement, le véhicule. » Du point de vue du marketing, cela s’appelle « Base of the Pyramid », c’est à dire un positionnement qui permet de capter de nouveaux consommateurs, dont le niveau de vie ne leur permet pas d’accéder au marché « normal ». L’accéssibilité, c’est donc aussi l’extension de la sphère marchande sur sa périphérie. Comme le dit la sous-ministre, tout est question d’équilibre entre considérations éthiques et calculs mercantiles
« La loi ne prévoit pas de sanction, de menace, si jamais la raison d’être ou le statut d’entreprise à mission n’est pas exactement respecté……Il n’était pas nécessaire de prévoir de menace parce que c’est le regard des parties prenantes sur la réalité de leur engagement qui évaluera la véracité de ce dernier. » Une loi qui ne prévoit pas de sanction, c’est un peu comme ce couteau suisse sans lame auquel il manque le manche, c’est à dire un grand vide juridique. Quant à l’argument du regard critique porté par les parties prenantes, il me laissera toujours dubitatif tant qu’on ne m’aura pas prouvé que dans les instances de gouvernance, ces dernières disposent du même niveau d’information (en qualité comme en quantité) que les dirigeants de l’entreprise et surtout que le mode décision tient compte entièrement de leur avis. A défaut, cela reste une plaisanterie un peu douteuse.
Et pour la fin, je garde deux citations que j’accole : »Je ne dispose pas encore d’étude qualitative précise.. » « …. nous avons donc souhaité prévoir dans la loi un bilan de sa mise en oeuvre. Il s’est amorcé dès l’année dernière avec France Stratégie. » Comment peut affirmer dans la même interview deux choses aussi contradictoires, et surtout pour en tirer un bilan positif !
Mais le pire n’est pas dans ces inepties. Il est d’abord de considérer que le parangon de l’ESS vertueuse c’est le groupe SOS, de Mr Borello, l’homme qui parlerait à l’oreille du président alors qu’il existe tant d’autres exemples autrement plus parlants, les plus récents étant ceux dont j’ai parlé dans mes précédents billets, Enercoop, Railcoop, etc…
Le pire de tout est peut-être de n’avoir pas parlé de la spécificité de ce type d’entreprise qui est de n’avoir aucun propriétaire, d’avoir prévu dans leurs instances de gouvernance, les possibilités de contre-pouvoir de plusieurs parties prenantes. Si madame la sous-ministre avait tant soit peu une culture du domaine dont elle a la charge, elle aurait fait la promotion de ce mode d’entrepreneuriat qu’est l’ESS et notamment le statut de Société Coopérative d’Intérêt Collectif (les SCIC) qui est un résumé de ce que pourrait être une entreprise responsable et vertueuse.
Après, il faut quand même garder en mémoire que toute entreprise est avant tout une aventure humaine et que le déroulement de l’histoire dépend de la qualité des acteurs qui sont des femmes et des hommes, avec leurs qualités et leurs défauts, leurs faiblesses et leur enthousiasme.
Une entreprise sociale, solidaire et responsable, c’est donc avant tout une histoire d’êtres solidaires et responsables. L’avantage de l’ESS est qu’elle leur apporte un cadre statutaire leur permettant d’exprimer cela..s’ils le veulent.