En germe, le télétravail

Au hit-parade des mots-valises issus de la crise, voilà bien l’un des grands vainqueurs, le télétravail. Il y a seulement deux mois, bien peu savaient de quoi il s’agissait et surtout comment ça pouvait bien fonctionner. Les plus audacieux, ceux qui avaient découvert la Toile à ses débuts, vers 1990, (à l’époque, on appelait ça « les autoroutes de l’information », c’était poétique!) avaient envisagé son utilisation à titre expérimental, dès l’hiver 1995, pendant ces semaines où les bottes rigides de Juppé nous avaient fait marcher plus que notre saoul. Mais à l’époque, c’était un peu comme si on avait proposé des vols charters low cost aux Parisiens venus voir Lindbergh atterrir au Bourget.

Depuis, certains pays s’y étaient mis et bizarrement pas la France. Nécessité fait loi, dit-on et c’est ainsi que le confinement accoucha d’un beau bébé, le télétravail généralisé. La question est maintenant : est-il viable ? Et si oui qu’est-ce que cela va changer dans nos vie ?

Cet article essaie d’y répondre https://www.actu-environnement.com/La France prendra-t-elle le virage du télétravail ? Tout d’abord, il convient de noter que la principale raison invoquée pour la faible pénétration du télétravail dans les pratiques des entreprises tient à la méfiance des employeurs, qui veulent avoir le contrôle visuel de leurs « subordonnés » (là on ne parle plus de collaborateurs). Cela est un petit écho à un des livres que j’envisage de chronique « la société de défiance, quand le modèle social français s’autodétruit ».
Ensuite, en se fondant sur des sondages en situation, l’article en question montre une large adhésion des salariés sur la base de jugements où se mêlent confort personnel et protection de la planète. Afin d’être tout à fait transparent, il convient de souligner que ces sondages ont été fait alors que la phase de confinement n’était pas encore terminée, soit après trois semaines à un mois de pratique. Cela permet de relativiser tout jugement définitif. C’est d’ailleurs un peu la tonalité de cet autre article paru à la fin du confinement, https://www.novethic.fr/le télétravail : nouvelle norme pour les entreprises ? Où on apprend notamment que si PSA est prêt à passer au tout-télétravail pour ses administratifs, commerciaux et chercheurs, les pionniers du télétravail, les boîtes d’informatique comme IBM ont fait marche arrière et réouvert leur bureau

Hé oui ! Car déjà se sont faites entendre quelques voix discordantes pour affirmer que ce télétravail, ce n’était pas la panacée, dans la durée https://www.lefigaro.fr/Organisation en télétravail : ni une «planque», ni une solution miracle
Quelle découverte ! Le travail salarié, ce n’est pas que l’échange d’un temps de vie contre une rémunération, c’est aussi la création de liens sociaux, des échanges informels, de ces petits trucs qui ne servent à rien pour accroître la productivité immédiate mais sans lesquels, les entreprises, notamment es plus grandes ne seraient pas ces lieux de création qu’elles sont encore le plus souvent La leçon mérite d’être méditée au moment de passer à un autre mode de relations professionnelles.

Mais déjà certains ont en tête d’investir l’espace privé de leurs salariés, avec les meilleures intention du monde https://www.institut-entreprise.fr/Gecina : repenser le logement comme lieu de vie et de lien social
Et c’est vrai que travailler là où l’on vit, ou vivre là où on travaille n’est pas sans incidence sur la façon dont les uns et les autres vont s’approprier cet espace. Cela n’est pas sans poser des questions sur la porosité des sphères de vie.C’est évidemment à mettre dans la balance avec tous les aspects positifs qu’induit le fait de travailler sans quitter son logement. Dans les grandes villes, cela remet en cause les fondements de l’urbanisme, notamment la place de l’immobilier professionnel, puisque un même bureau pourrait être occupé en alternance par deux, trois voire quatre salariés, notamment aussi l’organisation des transports publics et de manière général des infrastructures de transport puisque la majeure partie des déplacements urbains quotidiens sont des trajets domicile-travail. En dehors des grandes villes, cela pose aussi d’autres questions comme la place de la voiture (faut-il systématiquement un second véhicule pour aller au travail?), sur la qualité des infrastructures de communication car sans accès fluide à internet, le télétravail n’a pas grande efficacité.

Mais à travers les réactions des uns et des autres, la question fondamentale que pose la généralisation du télétravail est la modification des relations de travail que cela induit, et qui nous renvoie à la question qui sous-tend tout le dialogue social à la française, le manque de confiance entre les partenaires sociaux. Les salariés y voient un risque de phagocytage de leur vie privée et ils n’ont peut-être pas tort si on en croit l’expérience des deux mois passés. Les patrons y voient un relâchement du lien hiérarchique, lié à l’éloignement et certains même redoutent des phénomènes d’absentéisme présentiel, si je peux me permettre cet oxymore. Mais encore une fois, dans ce domaine comme dans d’autres, une des leçons de cette crise est que la confiance ça n’est pas inné, ça se construit : https://www.lefigaro.frLa confiance ne se décrète pas, elle se co-construit

Pragmatique, le patron du MEDEF apporte une conclusion, provisoire à ce début de débat http://decouverte.challenges.fr/Le télétravail ne doit pas devenir la norme, estime le patron du Medef
C’est une évidence mais maintenant qu’ils y ont goûté massivement les partenaires sociaux vont en faire leurs choux gras et gageons que dans les prochains mois les accords d’entreprise sur le télétravail vont commencer à fleurir avec à la clé une demande d’un petit coup de pouce d’argent public pour faciliter la transition.

Espérons simplement que dans ces négociations, on n’oubliera pas que cette mutation n’est pas totalement neutre en ce qui concerne les fondements de notre droit du travail, en matière d’urbanisme, en matière d’équipement des ménages, en matière d’infrastructures publiques. Cela mériterait peut-être un petit cadrage législatif, non ?

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