Depuis le temps que, dans les cénacles proches de l’Economie Sociale et Solidaire, cela se disait entre initiés, c’est enfin écrit dans un grand média : les coopératives agricoles ne sont pas des entreprises sociales ni solidaires. https://www.francetvinfo.fr/In Vivo, Sodiaal, Tereos : quand les coopératives agricoles deviennent des multinationales aux filières opaques
Voilà les choses sont écrites. Lisez-les et peut-être aurez-vous la surprise de découvrir que telle marque ou telle autre appartient à une coopérative, alors que vous la soupçonniez d’être la propriété d’une de ces multinationales de l’agro-alimentaire qui nous gavent de malbouffe pour maximiser leurs profits.
Le plus intéressant, dans ce reportage, c’est la description des techniques de camouflage utilisées, notamment le système de filialisation qui permet d’expatrier, en-dehors du champ contraignant du statut coopératif une grande partie de la valeur ajoutée par le groupe coopératif. Mutatis mutandi, ce sont à peu près les mêmes techniques qu’utilisent les multinationales à statut capitaliste pour faire migrer leurs bénéfices vers des paradis fiscaux.
Mais si vous regardiez de plus près, vous constateriez que ces pratiques ne sont pas l’apanage du mouvement coopératif agricole. Les banques mutualistes ou coopératives pratiquent de même et ont multiplié les filiales dont les comptes ne sont pas accessibles à leurs sociétaires. Facile de communiquer ensuite sur « la banque qui appartient à ses clients » !
Il n’est pas jusque dans le monde a priori mieux contrôlé des entreprises publiques où ce phénomène de filialisation a fait des ravages : SNCF, pour ne citer qu’elle doit avoir quelques centaines de filiales. On peut se demander quels buts poursuivent les dirigeants de ces entreprises devenues gigantesques quand ils saucissonnent ainsi la gouvernance de leur groupe.
Quelles qu’en soient les raisons, une chose est certaine cependant : cela leur permet de s’exonérer des contraintes d’un statut qui normalement est fait pour éviter que l’entreprise dévie de son projet initial. Pour le coup, c’est raté.
Accessoirement, et pour en revenir aux multinationales issues de l’ESS, les instances représentatives de cette composantes de l’économie reconnaissent bien volontiers qu’il s’agit là de dérives inadmissibles mais au moment des comptes et quand il faut mesurer le poids que pèse le secteur, ils sont bien contents de pouvoir incorporer dans leurs troupes, ces grands groupes avec leurs Chiffres d’Affaires monstrueux et leurs effectifs plantureux, sans lesquels l’ESS ne serait pas ce qu’elle prétend être.
A méditer quand on parle de l’ESS comme modèle en pleine croissance, alternatif à l’économie capitaliste