Le grand débat : pour un retour gagnant de la taxe carbone, « les quotas mobilité »

Dans un billet récent l’économiste Pisani-Ferry, un des inspirateurs de la politique économique du gouvernement actuel suggérait qu’il fallait envisager la transition écologique avec réalisme et donc se préparer à des efforts : http://tnova.fr/notes/transition-ecologique-choisissons-le-realisme-l-analyse-de-jean-pisani-ferry

Ce genre de discours n’est pas nouveau et a déjà été tenu en maintes occasions et a même eu des débuts d’application un peu douloureuses sous forme de taxe.
Tout le monde a évidemment en tête l’effet dévastateur qu’a eu l’augmentation de la taxe sur les produits pétroliers dans le courant de l’été 2018.
Certains doivent encore avoir en tête le fiasco de l’écotaxe poids lourds, mesure fiscale pourtant adoptée à l’unanimité ou presque par le Parlement, et qu’une révolte qui usurpa le nom de « Bonnets Rouges » réduisit à néant.
Par contre je ne suis pas sûr que nous soyons nombreux à être familier avec le système d’échange de quotas d’émission de CO² https://www.ecologique-solidaire.gouv.fr/marches-du-carbone
Le principe en est simple, si la mise en œuvre est parfois un peu compliquée, du fait notamment qu’il s’adresse exclusivement aux entreprises dont le logiciel interne n’est pas formaté pour intégrer ce qu’on appelle le externalités négatives (en Français, les atteintes à l’environnement) dont le coût est donc laissé à la charge de la collectivité et/ou des générations futures.
Toutes les industries sont polluantes, certaines le sont beaucoup plus que d’autres et donc il convient d’en tenir compte. Comme elles sont polluantes, elles doivent payer en fonction de la pollution un coût que j’appellerai de « dépollution » et ce coût est d’autant plus élevé que l’activité génère de pollution. Dans le cas de cette forme de la taxe carbone, la pollution mesurée est le volume de CO² émis.

Mais comme les technologies mises en œuvre ne permettent pas de supprimer totalement les émission de dioxyde de carbone, il fallait trouver un système incitatif pour amener progressivement ces industries à émettre moins de gaz à effet de serre. Le système trouvé est celui des quotas carbone. En fonction de l’état de l’art lors de mise en œuvre du dispositif, chaque pollueur se voit doter d’un volume de CO² qu’il est autorisé à émettre. S’il dépasse ce montant, son quota, il doit payer. S’il reste en deça de ce montant, il dispose d’un volume d’émission qu’il peut céder justement à ceux qui émettent trop. C’est cela système d’échange des quotas. Ainsi les bons élèves sont récompensés et les mauvais passent à la caisse mais au lieu de payer une taxe, toujours impopulaire, ils passent un deal avec quelqu’un de plus vertueux. Et comme ce genre d’échanges est dans les gènes des entreprises, une fois passé le choc de payer pour des externalités jusque là gratuites, le système pouvait fonctionner, mais à une condition que le volume de quotas accordés à toutes ces entreprises ait été correctement évalué afin d’être suffisamment incitatif sans être trop laxiste. Or, il semblerait que dans la plupart des pays où on l’a expérimenté, les pouvoirs publics aient été trop généreux dans la distribution de ces quotas. Ce qui devait arriver arriva, les bons élèves ne furent pas récompensés à la hauteur de leurs espérances car la pléthore de quotas qu’ils mettaient sur le marché ne trouvaient pas preneur puisque les mauvais élèves, sauf à être très mauvais n’avaient pas grand peine à rester dans les clous de leur propres quotas. Les lois du marché sont ainsi faites que lorsque une offre pléthorique rencontre une demande languissante, les prix s’effondrent. Cette expérience mérite d’être méditée pour la suite.

Or la suite, ce pourrait être ceci.

Les quotas individuels de CO²

Si on reprend les chiffres publiés par l’INSEE https://www.insee.fr/fr/statistiques/2015759 en 2017, comme en 2000, le secteur le plus émetteur de CO² était les transports routiers, suivi par le résiedntiel (associé pour l’occasion au tertiaire) alors qu’en 2000 le deuxième secteur était l’industrie manufacturière, reléguait au troisième rang en 20017. En application du principe pollueur-payeur, il faudrait donc s’attaquer prioritairement aux transports routiers et aux résidences des particuliers. On a vu plus haut que les précédents essais ont été infructueux. Pour autant faut-il baisser les bras et en la matière, il n’est pas interdit d’être imaginatif à défaut d’être suprêmement intelligent.

Mettons de côté pour l’instant les émissions de CO² dus aux habitations et concentrant nous sur les transports, terrestre maritimes et aériens et intéressons-nous un peu aux particuliers, puisque manifestement du côté des entreprises, le système de quotas, correctement amendé a l’air de plaire.

ET SI….

Et si on appliquait aux particuliers le système des quotas pour ce qui concerne tous leurs déplacements. Chaque foyer se verrait affecter un quota de droit à émettre des CO², en fonction de sa localisation géographique, de l’activité professionnelle des actifs qui le compose et de sa composition, indépendamment de toute considération de revenu. Ce quota pourrait servir pour les déplacements professionnels y compris le trajet domicile-travail, les déplacements pour les besoins de la vie quotidienne (approvisionnement, services de proximité) et les déplacements de loisir (depuis aller au cinéma jusqu’à aller passer ses vacances en avion aux Maldives).

Il est évident que le calcul de consommation des quotas dépendrait du véhicule utilisé (voiture, chemin de fer, avion essentiellement), du mode d’utilisation (le covoiturage par exemple permettrait une ventilation du quota sur les covoiturés).

Ce système ne sera vertueux que si premièrement :

a)le niveau des quotas accordés se traduit par un excédent de quotas disponibles pour les personnes à petit revenu (qui prennent rarement l’avion) ou habitant dans des zones mal desservies par les transport en commun (donc dépendantes de leur voiture pour au moins deux des usages envisagés et à ce titre bien pourvus en quotas).

b)Le niveau des quotas se traduit par un déficit de quotas disponible pour les hauts revenus qui rechignent à l’usage des transports en commun et/ou privilégient l’utilisation de l’avion pour leurs déplacements professionnels ou de loisir ( les fameuses vacances aux Maldives).

Ainsi conçu, ce système permettrait de distribuer un bonus aux premiers et créerait de facto une taxation de la mobilité des plus favorisés.

c) Evidemment pour que ce système marche, il ne faudrait pas que le coût de la tonne de carbone s’effondre et donc il faudrait éviter la distribution trop généreuse de quotas, la meilleure solution étant encore de sortir les quotas du système de marché. Dans ce cas les quotas disponibles s’échangeraient sur la base d’un prix fixé par les pouvoirs publics.

Les effets attendus seraient évidemment une baisse générale de l’émission de CO², les uns étant incités à majorer leur ristourne fiscale, les autres à minorer leur charge fiscale, tout en assurant un transfert direct de ces derniers vers les premiers, avec une intervention minime de l’État, comptable et régulateur du système.

On me dira que cela est compliqué à mettre en œuvre. Je n’en disconviens pas mais l’État disposent déjà de beaucoup d’outils de contrôle pour assurer une grande partie des régulations. Quant au reste, à partir du moment où les objectifs du système sont clairs et les mécanismes correctement identifiés, on peut faire confiance aux technocrates qui peuplent les couloirs de Bercy pour trouver les dispositifs ingénieux permettant à l’ensemble de fonctionner.

Après tout quand on a lancé la TVA dans les années 50, on avait les mêmes craintes quant à la faisabilité et même s’il y a encore beaucoup trop de fraudes, le système a tellement bien fonctionné qu’il s’agit là de la plus belle vache à lait de l’État et de loin. On ne souhaite pas nécessairement le même destin à ce système d’échanges de quotas entre particulier mais si ça peut contribuer à mieux conjuguer « transition écologique » et « justice sociale » cela fera plaisir à beaucoup de gens.

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