Tout le monde ou presque est d’accord pour dire que l’emploi de produits phytosanitaires dans l’agriculture doit être très mesuré voire prohibé. Mais l’enfer est pavé de bonne intention et le diable est dans le détail. Or ici, le détail c’est ce « presque ». Or, qui n’est pas d’accord ? Les utilisateurs intensifs de ces produits qu’on regroupe sous le terme générique de «phytosanitaires » qui parait plus rassurant que pesticide, insecticide, fongicide dont le suffixe « cide » veut quand même dire « tuer ».
Ceux-ci ont les meilleures raisons du monde pour ne pas renoncer à l’utilisation massive de ces substances dont beaucoup sont des poisons avérés ou potentiellement dangereux comme on le dit par euphémisme dans les agences sanitaires.
Mais alors, si toutes ces raisons sont bonnes, pourquoi s’échine-t-on dans les ministères, depuis 2008, à produire des plans « Ecophyto » (Ecophyto 1, Ecophyto 2) dont les objectifs sont de réduire la consommation de ces produits et pas qu’un peu : -50%? Le moins qu’on puisse dire est que l’effort n’est pas payant https://www.ouest-france.fr L’usage des pesticides a augmenté de 12 % entre 2014 et 2016 en France
D’autres plans de réduction des pollutions agricoles ont montré une efficacité relative plus forte, par exemple dans le cadre de la lutte contre la prolifération des algues vertes sur le littoral breton, mais cela n’a été possible, là où des résultats positifs, quoiqu’insuffisants, ont été enregistrés, que grâce à la bonne volonté des acteurs locaux et quelques aides financières appropriées : http://www.finistere.gouv.fr/ Plan de lutte contre la prolifération des algues vertes 2017-2021
Dans le cas des produits phytosanitaires, rien de tel. Bien au contraire, car la majeure partie des agriculteurs n’ont pas de modèle pour passer de leurs pratiques actuelles vers un mode plus respectueux de l’environnement et ce ne sont pas les orientations actuelles du ministère de l’agriculture ni encore moins celles de la Commission Européenne qui pourrait les y inciter. https://www.ouest-france.fr L’Europe va-t-elle bâcler sa politique agricole ?
Certes, on peut penser que le ministre en charge de l’écologie a la volonté d’aller au-delà de cette absence d’ambition quand par exemple il affirme vouloir accélérer la suppression définitive du glyphosate, mais en aura-t-il les moyens ?On peut en douter 1 . En effet, s’il avait quelque chose en poche sur la question, il aurait pu profiter de ce constat d’échec des plans Ecophyto pour faire une annonce en la matière. Or, il n’y a rien eu de tel. Au contraire, la position officielle a été « on ne fait rien de plus ! », même si le ministre de l’agriculture s’est cru obligé de faire un geste, un tout petit geste AFP Réduction des pesticides: 2 M EUR pour passer à 30.000 fermes expérimentales
A l’échelle du problème, il ne s’agit en effet que d’une toute petite goutte d’eau : 2.000.000 € pour 27.000 exploitations, cela ne fait jamais que 75 euros par exploitation. Ce n’est pas avec de telles que ces deux millions correspondent à peu près à ce que les pouvoirs publics vont consacrer au renforcement du plan de lutte contre les algues vertes d’un petit bassin versant d’à peine 11.000 hectareshttp://www.finistere.gouv.fr/content/download/26177/206042/file/DP%20Signature%20PLAV2%20baies%20nord%20Finistère.pdf(voir le détail du PLAV de Locquirec)
Pour une si petite surface, cela paraîtra beaucoup à certains mais compte tenu de ce qui pend au nez des autorités françaises https://reporterre.net/ Algues vertes : l’État français condamné à payer 556.000 euros On peut comprendre qu’un effort particulier soit fait.
C’est dans un tel contexte que l’initiative citoyenne suivante prend toute sa signification : https://www.ouest-france.fr Un producteur de lavande veut faire avancer l’UE sur la politique climatique
En effet, si l’Etat français a fini par mettre le paquet sur la gestion des algues vertes, c’est en grande partie parce que des associations têtues et des élus non moins têtus ont portés l’affaire au plus haut niveau européen et que face à la menace de sanctions financières autrement plus douloureuses qu’une petite amende de 550.000 euros, il valait mieux réagir. Si des citoyens, partout en Europe s’emparaient du sujet « atteinte à l’environnement » pour en faire un dossier préjudiciel, susceptible d’un recours contentieux au regard des règles que l’Union Européenne s’est elle même fixée, peut-être que les choses iraient plus vite à se résoudre. En effet si les lobbys agro-industriels sont incorrigibles, le meilleur moyen de les aider à se corriger, n’est-il pas de frapper au portefeuille ceux qui dans les sphères du pouvoir semblent encore les protéger.
1Toutefois, un décret paru au J.O. du 1°aout 2018 pourrait laisser penser que du moins en matière de néonicotinoïdes, le ministre de l’écologie ait gagné un premier bras de fer avec son collègue l’agriculture : Décret n° 2018-675 du 30 juillet 2018 relatif à la définition des substances actives de la famille des néonicotinoïdes présentes dans les produits phytopharmaceutiques
https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.docidTexte=JORFTEXT000037270008&dateTexte=&categorieLien=id