Les prismes journalistiques n°9 : les chiffres du chômage leur donnent le tournis

Cela fait quelques mois que je commente ironiquement les titres des différents journaux sur les chiffres du chômage. Je me suis tu les chiffres du mois d’août, non seulement parce que la forte hausse  de ce mois d’été me paraissait bizarre mais surtout parce que d’un mois sur l’autre, cela devenait lassant de constater que les uns étaient dépités alors que les autres se réjouissaient du résultat du mois. Il faut dire qu’il y a des choses qu’un président ne devrait pas dire, notamment que si le chômage ne s’inversait pas, il ne se représenterait pas. Mais je suis revenu sur cette décision car, franchement, Pôle Emploi, à son corps défendant je pense, nous a gâté sur ces deux mois. Des évolutions jamais vues dans un sens puis dans l’autre, pour le journaliste un peu  objectif, c’est déjà un casse-tête, alors imaginez ce que cela peut être pour un commentateur politiquement engagé pour qui ce chiffre est ou peut être une arme politique.

Juste pour le fun, je n’ai fait que juxtaposer, journal par journal, les titres des articles qui ont accompagné la publication des chiffres du chômage d’Aout le 27 septembre puis ceux de septembre le 25 octobre. Ces rapprochements sont très instructifs sur la ligne éditoriale de chaque journal

  1. Commençons par Le Monde :

Manifestement ce média se rassure autant que le gouvernement

  1. Continuons par Huffington Post

Objectif. Oui, apparemment. Apparemment seulement car ce « jamais » aurait mérité d’être précisé

  1. Dans Libération, on la joue aussi « objectif et sobre » mais on sent bien qu’il y a du non-dit et qui concerne le souhait ou non de voir le président sortant se représenter
  1. Sur Europe 1, impossible de savoir d’après les titres si les chiffres ont beaucoup monté ou beaucoup baissé et très habile car à contre-courant systématiquement, parler de « baisse fragile » quand ça explose puis de « bataille pas terminée » quand ça reflue c’est du grand art
  1. L’Express se pose manifestement beaucoup de questions Mais sont-ce vraiment des questions ? Ne serait-ce pas plutôt des insinuations histoire de masquer sa trop grande joie puis son désappointement
  1. La Dépêche est très objective même dans la façon très exagérée de présenter des variations mensuelles elles-mêmes très exagérées. Notez quand même du point de vue sémantique que dans un cas, c’est le gouvernement qui est en cause et dans l’autre Pôle Emploi. Pourquoi ?

 

  1. Le Parisien aussi la joue objectif et même un peu plus précis que les autres. C’est vrai que certains s’attendait à ce que la courbe continue à baisser en août. C’est vrai aussi que c’est la première fois que cela arrive depuis le début du quinquennat mais est-ce suffisant? On verra plus loin que non
  1. Le Point quant à lui semble bien embêté car après avoir été prolixe en septembre (pas moins de trois articles en une journée) il se montre très circonspect en octobre.

Puis viennent les médias ouvertement partisans qui après s’être déchaînés en septembre sur les résultats d’Août ont plus ou moins de mal à rétropédaler. Certains y réussissent plutôt bien car ils ont la dialectique chevillée au corps, d’autres c’est moins convaincants

  1. Commençons par Atlantico. Très fair-plan d’annoncer la plus forte baisse en 20 ans après avoir titré sur la plus forte hausse en 4 ans. Mais chassez le naturel, il revient au galop d’où un second article publié dès le lendemain histoire de déminer l’impression laissée la veille
  1. Contrepoint est manifestement un site très partisan et qui aime la polémique. Cela le rend moins inintéressant pour autant ?

 

  1. Le Télégramme est explicite dans son refus d’admettre les évolutions contrastées

 

Heureusement les économistes sont là pour nous donner les grandes tendances des évolutions à venir qui permettent de relativiser ces échanges médiatiques qui perdent d’autant plus de significations que sur le fond, rien n’explique de telles variations, inédites dans l’histoire des statistiques du chômage en France depuis que ces statistiques existent
L’OCDE prévoit une « légère » inversion de la courbe du chômage en France à la fin de l’année FranceInfo le 3 juin 2016
 Eric Heyer : « En 2017, le chômage va retrouver son niveau de 2012  Les Echos le 26 octobre 2016
Vu ainsi, la raison aurait voulu que les journalistes regardent l’évolution de la courbe du chômage, non par sur un mois, ni sur un trimestre mais sur au moins 3 ans, voire 4. Mais que voulez-vous, à partir du moment où le locataire a suspendu sa décision de se représenter aux résultats de la politique de ses gouvernements successifs en matière de lutte contre le chômage, ces chiffres sont devenus une information hypersensible, puisque tous les médias sont eux-mêmes suspendus au moindre signe permettant de dire si « il va y aller ou pas ». Cela peut donner la fièvre à n’importe quel média

Mais la palme de la confusion revient quand même à Ouest France. Ce n’est pas que les titres de septembre et d’octobre soient particulièrement frappants. Bien au contraire, ce serait plutôt équilibré mais par contre, les journalistes devraient se parler au sein de la même rédaction car on ne peut pas laisser écrire à la fin d’un premier article « En Bretagne, une baisse de 3,2 % » pour titrer aussitôt « Bretagne, le nombre de chômeurs baisse de 2.1% ». Quand je vous dis que les chiffres du chômage donnent le tournis aux rédactions de nos journaux.
Chômage. « Un échec » pour la droite, « baisse » globale pour la ministre Ouest France le 27 septembre 2016
 Chômage. Forte baisse en septembre après les mauvais chiffres d’août  Ouest France le 25 octobre 2016
Bretagne. Le nombre de chômeurs baisse de 2,1 % en septembre Ouest France le 25 octobre 2016

Cela dit, je me demande bien pourquoi on continue à se focaliser là-dessus puisque manifestement, pour les uns c’est trop tard et pour les autres ce n’est plus la question. Franchement un président n’aurait pas dû dire cela. Mais s’il n’y avait que cela qu’il n’aurait pas dû dire….. Il y a tout le reste et c’est tout ce reste qui rend un peu futile ce débat sur les chiffres du chômage dans cette perspective électorale.Ce n’est plus le bilan qui est en cause, c’est l’homme qui prétend l’incarner qui est rejeté.

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3 commentaires pour Les prismes journalistiques n°9 : les chiffres du chômage leur donnent le tournis

  1. claude waret dit :

    Ajoutons qu’en 2015 chomage des 50+,+8,5% 2016 :+2,4 % (année mobile) donc le chomage des 50+ ne baisse pas…..sa croissance ralentit !

    • et quid du chômage des jeunes?

      • claude waret dit :

        Tout d’abord seulement la moitie de la population des 16-25 ans cherche du travail ,c’est sur eux que le taux est calculé,donc sur l’ensemble de la population jeunes le taux est moitié,de l’ordre de 10%.
        Ils restent heureusement peu de temps au chomage environ 140 jours contre 540 pour les seniors ce qui fait qu’il y a 5 fois plus de journées seniors de chomage que de journées jeunes.En 2016 (année mobile) le chomage des jeunes a une évolution de -7%.

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