« Principe de précaution » : un concept à manipuler ……avec précaution

Le principe de précaution introduit dans la charte de l’environnement en 2004 a valeur constitutionnelle puisque ladite charte est annexée à la Constitution de la République Française comme la déclaration des droits de l’Homme et du citoyen de 1789 et le préambule à la constitution de 1946. C’est dire si ce principe est important mais il semblerait que, comme  beaucoup de dispositions constitutionnelles, ce principe soit mal connu et donc contesté. Il semblerait surtout que par méconnaissance ou par perversion de la pensée, il soit mal appliqué. C’est le cas par exemple du fameux 49-3, dont les uns et les autres ne comprennent pas forcément les mécanismes et la façon de l’utiliser, mais ceci est une autre histoire. Si on revient au principe de précaution, je dois dire que je suis parfois atterré de lire comment ce beau principe est dévoyé par le discours politique mais aussi par l’administration. Cette interprétation erronée, volontaire ou non, permet aux uns, des partis politiques mais aussi les syndicats de patrons, MEDEF et FNSEA en tête, de demander son abrogation au nom de la liberté d’entreprendre et aux autres , les fonctionnaires, de dresser des boucliers pour protéger leurs arrières sans vraiment se mouiller.
Revenons un peu au texte. Voici ce que dit l’article 5 de la charte de l’environnement : « Article 5. Lorsque la réalisation d’un dommage, bien qu’incertaine en l’état des connaissances scientifiques, pourrait affecter de manière grave et irréversible l’environnement, les autorités publiques veillent, par application du principe de précaution et dans leurs domaines d’attributions, à la mise en oeuvre de procédures d’évaluation des risques et à l’adoption de mesures provisoires et proportionnées afin de parer à la réalisation du dommage. »
Traduction pour les détracteurs de ce principe, issus du MEDEF ou de la FNSEA et de tous les partis politiques qui soutiennent la même thèse : «  Au nom du principe de précaution, on nous empêche d’innover et donc nous perdons de la compétitivité. » Relisons bien ce qui est écrit. Il s’agit d’« un dommage grave et irréversible », ce qui veut dire que le principe de précaution ne peut pas être invoqué à tout bout de champ car il faut prouver à la fois la gravité et l’irréversibilité d’une atteinte à l’environnement. Et c’est ce que n’ont pas compris certains utilisateurs de ce principe qui justement l’invoque à tout propos et notamment lorsque une décision administrative pourrait engager leur responsabilité personnelle, confondant ainsi principe de précaution et prise de précaution. Il faut dire qu’avec certains administrés qui dégainent leur avocat plus vite que leur ombre à la moindre contrariété, on peut les comprendre. il s’agit ensuite de « procédures d’évaluation des risques » et de « mesures provisoires et proportionnées ». Il ne s’agit donc en aucun cas d’une interdiction mais simplement de mesure de bon sens. Quand on ne connaît pas un risque et ses conséquences, on avance prudemment et on mesure au fur et à mesure le degré de danger et dans le même temps on prend des mesures pour limiter lesdites conséquences pour autant qu’on puisse les estimer. Mais c’est par méconnaissance de ces éléments simples de gestion des risques que certains refusent de se projeter dans l’avenir ou d’accepter de prendre des précautions (foutu mot que celui-ci qui peut se mettre à des sauces différentes, source de confusion) et donc de mesurer les conséquences de leurs actes et que d’autres interdisent pensant comme l’autruche que mettre la tête dans le sable éloigne le danger et que mettre la poussière sous le tapis permet d’avoir la maison propre.
Cette querelle autour du principe de précaution est donc un dialogue de sourd entre deux antagonismes qui, ni l’un, ni l’autre, n’ont bien compris tout ce qu’implique ces quelques lignes ajoutées à la Constitution, deux mauvaises interprétations qui se renforçant l’une l’autre aboutissent in fine au même rejet. Un peu de pédagogie dans ce cas n’aurait pas fait de mal et on aurait pu attendre de la presse qu’elle joue ce rôle de vulgarisateur. Hélas, les journalistes sont pires puisque pour justifier les thèses de l’un des deux bords (on bride l’innovation), ils utilisent les arguments de l’autre bord (par précaution, il faut interdire tout ce qui pourrait être dangeteux. Un bel exemple de cette incurie, nous est fourni par cet article paru il y a quelques jours dans Ouest France qui, par ailleurs fait parfois d’excellentes analyses en matière de protection intelligente de l’environnement http://www.ouest-france.fr/normandie/caen-14000/par-principe-de-precaution-lecole-doit-dire-adieu-ses-poules-4346988 Par principe de précaution, l’école doit dire adieu à ses poules

De quoi s’agit-il : d’un fonctionnaire qui ayant entendu dire que les poules pouvaient dans certaines conditions transmettre des maladies interdit un poulailler pédagogique. Evidemment le fonctionnaire qui a pris cette décision a ouvert le parapluie « au cas où ». Mais quelle ânerie que ce titre « par principe de précaution … » ; il aurait écrit « par précaution administrative, la DPT interdit… » cela aurait sûrement ennuyé les fonctionnaires qui ont participé à cette décision, à mon avis stupide, mais cela aurait évité d’ajouter de la confusion dans un débat qui en connait déjà beaucoup

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