La fragilité des statistiques : et dire que c’est là-dessus qu’ils pérorent !

C’est Coluche qui disait, je crois : « les statistiques, c’est comme le bikini, ça donne des idées mais ça cache l’essentiel ! » Je partage assez l’esprit de cette affirmation mais encore faut-il que le bikini soit à la bonne taille sinon, c’est de toute façon disgracieux et ça tue un peu l’imagination.

C’est ce que nous découvrons tous les jours en lisant la presse.

On nous a déjà fait à plusieurs reprises le coup des statistiques de l’emploi , vraies mais fausses, qu’on corrigeait le mois suivant. Il ne s’agit pas toujours de mensonges d’Etat, ni d’une volonté affichée de travestir la réalité mais le plus souvent d’une faiblesse de notre appareil statistique que pourtant le monde entier nous envie.

En effet, pour que des statistiques puissent être produites, il faut les collecter régulièrement, les regrouper, les agréger et enfin les mettre en forme. Chacune de ces étapes est en partie ou totalement dépendante de l a diligence d’une ou plusieurs personnes. Il suffit qu’à une de ces étapes, une ou plusieurs personnes ne fassent pas ce que le protocole statistique a prévu qu’elle(s) fasse(nt) pour que le total soit faussé

On en a encore une nouvelle preuve ces jours-ci

http://www.lagazettedescommunes.com/331082/des-centaines-de-milliers-de-logements-fantomes-oublies-des-statistiques-officielles/?utm_source=quotidien&utm_medium=Email&utm_campaign=28-02-2015-quotidien

Des centaines de milliers de logements « fantômes », oubliés des statistiques officielles

Si vous êtes intéressé par les raisons techniques de cet ajustement, voici le lien avec la publication publié par le service statistiques du ministère du logement

http://www.statistiques.developpement-durable.gouv.fr/fileadmin/documents/Themes/Logement-Construction/Construction/Logements/chiffres-stats-numero-special-logements-fevrier2015.pdf

Pour les autres, il suffit de savoir que tout le monde savait que ces chiffres étaient faux mais que personne ne savaient de combien ils étaient faux puisqu’ils n’étaient pas toujours faux de la même manière.

Et pourtant c’est sur ces bases-là que toutes les politiques en matière d’aide au logement sont, sinon pensés et construites, mais au moins justifiées.

Plus de 450.000 logements non comptabilisés, ça en fait du monde en moins à la rue. En théorie !

En effet, de la même façon que les professionnels du bâtiment pouvaient affirmer qu’ils savaient que ces statistiques étaient fausses parce qu’en gros ça ne correspondait pas à leur carnet de commande, les personnes à la recherche d’un logement savent pertinemment que 450.000 logements en plus de ce qu’on pensait, ce n’est pas ça qui va faciliter leur recherche ni qui va faire baisser les loyers.

Quelle conclusion faut-il en tirer ?

1°.Que nos statisticiens ont bien du mérite d’arriver malgré tout à sortir des chiffres qui ressemblent un peu à la réalité.

2°. Que pour autant, il ne faut pas prendre comme « pain béni » toutes les données fournies par notre appareillage statistique . Ainsi quand je lis que nous sommes en déflation, ou presque, mais que toutes les ménagères que je rencontre, me disent que « tout augmente », je me pose forcément des questions

3°. Que les hauts fonctionnaires et tous les think tank qui élaborent des politiques publiques en se fondant sur les statistiques, officielles ou non, feraient bien parfois d’écouter ceux qui au quotidien vivent la réalité que ces statistiques sont censées représenter.

4°. Que les économistes feraient bien d’en faire autant.

5°. Que le croisement de plusieurs informations décrivant la même réalité sous des angles différents permet parfois d’éviter bien des erreurs de pilotage économique. Ainsi prenons le cas de ces statistiques de mise en chantier. Si on les avait systématiquement mis en regard des statistiques de consommation de matériaux de construction, on aurait pu constater assez rapidement des divergences, qui pouvaient s’expliquer par l’erreur statistique…ou par la réémergence du travail dissimulé. Quelle que soit les conclusions qu’on en tirerait, ce ne serait de toute façon pas du temps perdu

Et Conclusion ultime : quelle confiance peut-on avoir en ce chiffre qui est la quintessence de la production statistique économique, le taux de croissance du PIB. ? Déjà que j’ai toujours trouvé bizarre qu’on puisse parler de « croissance négative », je me dis qu’entre une progression de +0.1% et une diminution de -0.1%, la marge est étroite et bien fol qui pourrait s’appuyer sur ce chiffre pour dire « ça va mieux ou c’est pire ! » Il n’y a que les économistes…et les politiques pour le croire. Sans compter que le PIB est le pire outil qui soit parce que justement pour reprendre l’image de Coluche, il s’agit d’un « patron de bikini » plaqué sur « un mannequin de celluloïd ». Je veux dire par là que ce chiffre ne décrit aucune réalité vécue . D’autres indicateurs peuvent mieux expliquer la chose mais cela, à part quelques économistes comme Jean Gadrey ou quelques politiques comme le groupe EELV à l’Assemblée Nationale, peu y croient encore. Cela dit, ces indicateurs sont aussi des constructions statistiques et donc à ce titre soumises aux mêmes aléas humains comme toutes les statistiques.

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