Là où il y a du pouvoir, il y a de l’argent
Le courrier des maires, publication très lue dans nos mairies vient de faire un dossier complet sur les risques de corruption dans les collectivités territorialeshttp://www.courrierdesmaires.fr/38859/la-corruption-un-risque-bien-reel-pour-les-collectivites-territoriales/?utm_source=newsletter-cdm&utm_medium=email&utm_campaign=newsletter-18-08-2014
La corruption, un risque bien réel pour les collectivités territoriales
. Pour cela, il s’appuie sur le dernier rapport du SCPC qu’on n’avait pas connu aussi pertinent depuis bien des années. A lire ce document Rapport SCPC 2013 , on peut être assez effaré des possibilités offertes aux élus de profiter de leur(s) mandat(s) pour faire passer leurs intérêts personnels avant le Bien Public. Cela ne veut pas dire pour autant que les élus locaux sont corrompus mais cela signifie quand même que les règles prudentielles se sont singulièrement affaiblies et quand les garde-fous s’abaissent, le risque d’accident augmente d’autant plus que les autres facteurs de risque persistent. Et parmi ceux-ci, le plus grave reste quand même le cumul des mandats, y compris et surtout même devrais-je dire le cumul dans le temps. J’ai déjà exprimé dans des billets précédents cette opinion sans qu’il soit besoin que j’y revienne.
Finalement le meilleur moyen de prévenir la corruption des élus locaux serait peut-être de leur donner un statut correct et leur assurer un revenu décent. C’est du moins ce que semble avoir pensé un nouvel municipal qui n’a pas hésité à s’octroyer une substantielle augmentation.
Le maire FN du Pontet (Vaucluse) contraint d’annuler l’augmentation de 44% de ses indemnités
Pas de chance pour lui, il existe un contrôle de légalité en préfecture et celui-ci n’a pas manqué de l’aligner. Qu’il appartienne à un parti dont le slogan est « tous pourris ! » n’ajoute qu’un peu de piment à cette affaire qui n’irait pas plus loin que la pantalonnade si dans le même temps le même maire n’avait décidé de réduire une forme d’aide aux plus défavorisés accordés par sa commune. Il semblerait donc que pour certains, quel que soit leur discours politique, là où il y a du pouvoir, il y a nécessairement de l’argent.
Là où il y a de l’argent, il ya du pouvoir
Et puis, il y a les autres, ceux dont la profession est de faire de l’argent avec de l’argent. Pour eux donc l’argent n’est pas un problème, c’est juste un moyen et une fin en soi. Ils en arrivent parfois au point de ne plus se rendre compte de ce qu’ils font. Prenons ainsi le cas de ce haut fonctionnaire, donc un homme de la sphère publique et qui plus est du fait des fonctions qu’il a exercées dans l’administration comme dans les cabinets politiques est un homme de pouvoir, au sens le plus noble que pourrait avoir ce terme s’il en a un
Anthony Bellanger
La faillite fin juillet de la Banque portugaise Espirito Santo, n’en finit pas de faire des vagues
Mais que fait-il lorsqu’il est passé de l’autre côté de la barrière ? Je me garderai bien de reparler ici du scandale que représente en soi le passage dans le privé et dans des entreprises dont il ont eu à connaitre dans l’administration, de certains hauts fonctionnaires. J’ai déjà écrit dans plusieurs billets tout le mal que je pensais du pantouflage mal contrôlé et du laxisme inimaginable des comités de déontologie. Admettons que cela soit normal, à défaut d’être moral ! Il n’en reste pas moins qu’une fois passé de l’autre côté de la barrière, il faut respecter les règles en vigueur de ce côté-ci de la barrière. Si on en croit le chroniqueur, cela n’aurait pas été le cas. Que n’aurait-il pas dit, au temps où il l’était, ce haut fonctionnaire dont la tâche était justement de veiller au fair play financier ? Là, la règle n’existerait plus ou elle ne s’appliquerait pas à lui. Serait-ce que l’argent donne le pouvoir de s’abstraire du pouvoir de la loi ?
Mais là , on resterait dans le domaine de la dissimulation, du pouvoir mal assumé. Certains qui assument bien ce pouvoir, ce sont les vrais hommes d’argent, les grands patrons, pas les chefs d’entreprise pour qui l’argent n’est pas un instrument de pouvoir mais un simple outil de travail au service de l’entreprise, non les vrais grands patrons pour qui justement l’argent ce n’est que cela, l’instrument de leur toute-puissance. Et que serait la toute-puissance si elle ne permettait pas tout . C’est ce que semble dire les grands patrons britanniques qui en matière de cynisme n’ont de leçon à recevoir de personne
Royaume-Uni. Un grand patron est payé 143 fois plus que ses salariés
Eh oui ! là où il y a de l’argent, il y a du pouvoir et c’est peut-être même le seul endroit où il y a encore du pouvoir. Au XVIII° siècle, puis au siècle suivant, les peuples se sont révoltés et ont jeté bas des pouvoirs qui eux aussi se voulaient tout-puissants mais qui tiraient leur légitimité d’autre chose que de l’argent (car la plupart en manquaient cruellement le plus souvent, malgré les apparences). Ainsi sont nées les démocraties modernes, contre des pouvoirs tout-puissants. Maintenant que la toute-puissance est passée du côté de l’argent et uniquement de l’argent, les démocraties sur ce modèle-là sont-elles encore en mesure de limiter la toute puissance de ces puissances d’argent ?
A leur façon, les grands patrons français ont répondu. S’appuyant sur la force de pression de centaine de milliers de petites et moyennes entreprises, ces happy few ont obtenu d’un gouvernement socialiste (un comble !:) un magnifique cadeau en contrepartie du théorème de Schmitt (les bénéfices d’aujourd’hui font les investissements de demain et les investissements de demain font les emplois d’après-demain). Sauf qu’après-demain, c’est pas demain, la veille !La preuve
CAC 40, SBF 120…: forte hausse des dividendes
Ainsi donc, la machine redistributrice que constitue l’appareil d’Etat fonctionne à l’envers. Les contribuables, c’est-à-dire vous et moi sommes mis à contribution, c’est le cas de le dire, par notre consommation surtout, pour permettre aux plus riches d’entre nous d’être encore plus riches. C’est dire si ces puissants-là se moquent bien de ce qu’on appelle « le pouvoir ». Le vrai pouvoir, c’est eux !
Et si vous n’avez pas encore compris, ce qui se passe autour des projets d’accords commerciaux devrait finir par vous déciller les yeux On a beaucoup parlé de l’accord EU-UE (Etats-Unis/Union Européenne) quel que soit le nom qu’on lui ait donné TTIP, TAFTA etc… Mais plus discrètement il ya a aussi l’accord Canada-UE
La commission européenne (et donc l’UE) valide le principe de tribunaux d’arbitrage privée dans le cadre du traité de libre-échange UE-Canada
N’oublions pas que le Canada est partie prenante de l’accord ALENA, matrice de tous ces accords. Les tribunaux d’arbitrage voilà bien la preuve que les puissances d’argent sont en train de s’abstraire des règles démocratiques des Etats-Nations, grâce auxquels pourtant elles ont pu au fil des décennies acquérir la puissance qui est maintenant la leur, au nom du principe que la loi n’est pas faite pour défendre le faible contre le fort mais pour que tous aient les mêmes chances, le loup comme le mouton, le renard comme les poules. Au nom d’intérêts privés, il sera donc possible de dire qu’une loi pourtant votée démocratiquement est…..illégale. Et il n’est pas anodin de constater que l’une des premières entreprises à mettre ce principe en œuvre est justement une des vedettes du CAC 40
Là où est l’argent, là est le pouvoir, tous les pouvoirs devrais-je dire même celui de corrompre ceux qui ont l’illusion d’avoir encore le pouvoir, ce qui nous renvoie au début de ce billet.
Mais ceux-ci n’ont que les miettes et éventuellement les remords de leur conscience.
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