La décentralisation, ce fut le premier « grand chantier » que lança le Président de la République et qu’il confia à sa meilleure spécialiste, la présidente de la très puissante Fédération Nationale des Elus Socialistes et Républicains. Plus de 18 mois après, le grand projet a accouché d’une première loi dite « LOI de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles » dont l’adoption est encore soumise à l’avis du Conseil Constitutionnel. Il est très surprenant que cette loi qui devait consacrer le fait régional commence par entériner la métropolisation de la France. C’était le schéma d’aménagement de la France inspiré par les économistes Saint-Etienne et Davezies qui chacun à leur façon ont décrit l’avenir d’une France à deux vitesses, d’un côté les métropoles en prise sur le monde et en route vers un avenir radieux dans la seconde moitié du XXI° siècle et de l’autre une France assistée vivant des excédents de la première et revenant peu à peu vers le….XIX° siècle. Ce schéma a eu d’autant plus de succès dans certains milieux politiques influents et sous influence qu’il est plausible et que les forces économiques dominantes font tout pour qu’il se réalise
En effet dans un tel schéma, les villes-métropoles discutent avec d’autres villes métropoles ailleurs dans le monde, les Etats ne sont plus qu’une péripétie accessoire, voire même une contrainte devenue intolérable. On se retrouve à l’échelle mondiale dans la position de l’Europe de la fin du Moyen-Age ou les guildes et autres alliances de villes damaient le pion aux principautés, duchés, comtés, empires éclatés et royaumes émergents. Parce qu’ils en avaient besoin, les pouvoirs économiques ont opté pour un modèle étatique fort dont l’arché-type fut l’Etat-Nation qui permit l’émergence de capitalismes nationaux, comme tout le monde le sait bien depuis qu’un philosophe allemand s’enticha de faire l’économie à Londres au milieu du XIX° siècle. Mais depuis la mondialisation est passée par là et les Etats-Nations sont plus vécus comme une contrainte que comme des alliés ou mieux des auxiliaires utiles. C’est à ce point vrai que de plus en plus d’entreprises n’hésitent pas à trainer devant les juridictions ad hoc les Etats dont la réglementation contreviennent à leurs intérêts privés. « …Au niveau mondial, on recense aujourd’hui quelque 500 plaintes déposées contre 95 gouvernements. Par exemple, des investisseurs européens ont porté plainte contre l’Egypte pour avoir augmenté le salaire minimum, ou encore, des investisseurs américains ont dénoncé la décision du gouvernement péruvien de réguler les déchets toxiques… »
Cette citation est extraite de l’article suivant dont je vous conseille la lecture par ailleurs
L’accord commercial entre l’UE et les États-Unis nuira-t-il à l’environnement ?
Cela ne fait que redire ce que concluait déjà un colloque au Sénat sur la nouvelle gouvernance mondiale entre Etats et entreprises. Les actes de ce colloque peuvent être téléchargés à partir de ce lien http://www.senat.fr/rap/r06-262/r06-2621.pdf dont je vous conseille encore plus la lecture
Pendant que j’y suis dans les lectures, instructives à défaut d’être bonnes, et depuis le temps que je vous en parle voici le lien pour lire en direct le rapport de Monsieur Saint-Etienne qui théorise le mieux la métropolisation de la France dans une optique purement économiste http://www.ladocumentationfrancaise.fr/var/storage/rapports-publics/094000311/0000.pdf
Dans cette optique, les coups de menton arrogants des futurs patrons des métropoles françaises paraissent bien dérisoires et de Lyon à Marseille, de Lille à Nantes, de Toulouse à Strasbourg ces futurs roitelets ne seront que les « idiots utiles » d’une histoire qui s’écrira sans eux et à qui on ne demandera rien d’autres que d’apporter sur un espace réduit toutes les infrastructures nécessaires au développement et à la Croissance avec un grand C comme on dit de dieu, avec un grand D, quand il est l’unique objet de nos dévotion. Je note toutefois que même dans cette vision d’un monde économique hors sol, les économistes ressentent la nécessité de s’ancrer sur un territoire, sauf qu’ici le territoire, ce n’est ni la zone d’activité, ni le campus universitaire, ni les ors de la République, ministères ou préfectures mais l’atmosphère climatisée des palaces installés à périphérie des aéroports internationaux et qu’on rejoint plus facilement par avion que par le TER ou même avec une voiture avec chauffeur. Ce schéma de développement territorial existe déjà ailleurs. C’est celui qu’on veut nous imposer. Le pire dans cette histoire est que ce sont les héritiers de courant étatistes, gaullistes d’un côté, socialistes de l’autre qui vont être les fossoyeurs de l’Etat Nation. L’alternative dans ce monde pourrait être une Europe Fédérale mais ceci est une autre histoire que je narrerai un autre jour. En attendant, nous parlerons demain un peu plus longuement des régions