Dans le courant de l’année 2013, j’avais collecté une série d’articles traitant de l’innovation car cela me travaillait l’esprit de constater que nous étions considéré comme un peuple imaginatif mais rationnel et que dans le même temps, nous n’étions plus regardé comme un peuple innovant que nous fûmes.
Le point de départ de cette réflexion est une tribune libre de Fleur Pellerin, qui portait la question de l’innovation sur le champ culturel, d’où le titre de ce billet : « l’innovation, une question de culture ? »
C’est ce que semble penser l’une des ministres en charge de cette question stratégique pour le redressement productif de l’économie française quand dans l’article ci-dessous, elle dit vouloir travailler avec le ministre de l’éducation sur le développement des compétences innovatrices
Fleur Pellerin : «Ce n’est pas en rasant gratis que l’on donnera l’envie d’innover»
C’est d’ailleurs ce que pense aussi un expert en matière d’innovation et qui du coup nous donne quelques clés pour comprendre les rapports complexes de l’économie française avec l’innovation
Innovation : la tangente comme méthode
En effet dans un système scolaire fondé sur la compétition, le classement et la réussite, « encourager l’échec » apparaît comme une hérésie, voire une provocation. C’est moins provocateur que de suggérer qu’il faudrait instaurer le « renvoyé parce que n’ayant jamais échoué ».
Mais de là à dire que l’innovation est soit le fruit du hasard, soit la conséquence d’une longue série d’échecs, il y a un pas que notre esprit cartésien se refuse a priori à franchir : dans le schéma de pensée de nos élites, l’innovation est nécessairement le fruit de la recherche, c’est-à-dire d’un effort intellectuel orienté vers un but défini à l’avance. Or les exemples ci-dessous montre que c’est rarement le cas.
En effet, c’est parfois le résultat d’un effort rationnel fixé vers un but
Cherbourg. Son système de filtrage cumule les prix
http://www.ouest-france.fr/ofdernmin_-a-18-ans-elle-invente-un-systeme-pour-recharger-un-portable-en-30-secondes_6346-2194850-fils-tous_filDMA.Htm
À 18 ans, elle invente un système pour recharger un portable en 30 secondes
C’est plus souvent la conséquence d’un regard décalé par rapport à une technique ou un produit existant voire même le fruit du plus pur des hasards
Airbus/Boeing : trois jeunes Français créent un siège d’avion révolutionnaire
Bretagne. « Rock pot », la théière qui rime avec jackpot ?
Le retour en force du textile « made in France »
Trocmé réinvente le filet à pommes de terre
C’est pourquoi j’aime tant ces deux termes, cités dans l’article de Francis Pisani déjà mentionné plus haut : sérendipité et oblicité. Si un jour on avait dit à Christophe Collomb ou aux sœurs Tatin qu’ils faisaient de la sérendipité, ils auraient été bien étonnés, moins étonnés toutefois que par leur découverte respective. Quant à l’oblicité, plus d’un doit très surpris que jeter un regard oblique soit considérer comme une vertu d’entrepreneur.
Mais une chose est sûre, c’est que le brevet n’est pas toujours un gage d’une très grande innovation. On en est convaincu quand on lit le palmarès des entreprises qui en déposent le plus en France
PSA, le CEA et Safran, premiers déposants de brevets en France en 2012
Pour conclure, je vous laisse méditer ces deux phrases
« la peur du risque est une stratégie périlleuse »
« Je n’ai pas échoué, j’ai trouvé 10.000 solutions qui ne marchaient pas. »
Je ne ferais qu’un commentaire : comment voulez-vous que les ministères en charge de l’économie, de l’industrie, de l’agriculture ou de l’énergie puissent avoir une action positive en faveur de l’innovation tant qu’ils seront dominés par la caste des ingénieurs (X, Mines, Ponts Eaux et Forêt) dont les principales caractéristiques est de ne JAMAIS avoir pris de risque et de n’avoir JAMAIS échoué, à l’école du moins.
Je ne parle même pas du ministère de l’Education Nationale où le mythe de la méritocratie républicaine a été à ce point dévoyé qu’on envisage de renforcer encore le système des Grandes Ecoles en renforçant le statut des professeurs des CPGE
Même si le gouvernement actuel semble s’intéresser d’un peu plus près à ce qui fera la force des entreprises de demain (je demande quand même à voir, au-delà des déclarations de début d’année), rien ne semble vouloir évoluer dans ce domaine. Tant qu’on aura pas remis à l’endroit le modèle éducatif français, en privilégiant l’expérimentation sur la répétition, en promouvant la coopération plus que la compétition, tant qu’on aura pas modifié le regard que les banques notamment portent sur les entreprises et les entrepreneurs, en reconnaissant notamment qu’une faillite n’est pas forcément un crime économique, tant qu’on n’aura pas changé donc de schéma culturel, nous aurons toujours des ministres pour se plaindre que nous avons de bons chercheurs (qui sont parfois de bons trouveurs) mais que nous manquons d’innovateurs.
Mais est-ce seulement une question de culture, n’est-ce pas aussi une question de structure, ou si vous préférez de main-mise d’une petite caste (les Grandes Ecoles) sur l’appareil administratif et financier qui préserve un modèle qui a fait leur force mais stérilise un peu plus tous les jours la capacité innovatrice d’un des peuples les plus imaginatifs du monde.
Reblogged this on Curation exclusivement en français and commented:
… dans un système scolaire fondé sur la compétition, le classement et la réussite, « encourager l’échec » apparaît comme une hérésie, voire une provocation. C’est moins provocateur que de suggérer qu’il faudrait instaurer le « renvoyé parce que n’ayant jamais échoué » …
Et pourtant…