<Acte 1 On pose le thème du débat : ce sera un « choc »
En Janvier 2012, l’Institut de l’Entreprise publiait en pleine campagne pour les présidentielles le document suivant « Pour un choc de compétitivité en France » qui peut être utilement consulté ici.
http://www.institut-entreprise.fr/index.php?id=1567
Certes, c’était un document de campagne mais comme nous n’étions qu’en Janvier, il fallait garder un semblant de neutralité scientifique. Donc ce document était plutôt bien fait, quoique construit sur des bases idéologiques affirmées. Je veux dire par là, que la démarche scientifique, notamment apporter la preuve dans un raisonnement, s’arrêtait là où commençait la croyance ou le parti-pris. On y trouvait des choses intéressantes comme la stabilité législative et réglementaire, sans laquelle aucune entreprise ne peut faire des plans à moyen ou long terme, ou encore la nécessité d’évaluation de tous les textes législatifs concernant les sociétés (personnellement, j’élargirais cette obligation à tous le champ législatif) .
Depuis les élections ont eu lieu et le « champion » de l’Institut de l’Entreprise a été défait.
Comme la situation économique est grave, c’est le moment ou jamais de relancer l’offensive idéologique contre le gouvernement et celui-ci a peut-être imprudemment offert l’occasion en demandant à Louis Gallois de faire un rapport sur ce sujet très controversé qu’est la compétitivité. Il s’agit e effet d’une notion difficile à cerner tant elle présente de facette.
Bien que cela ne soit pas exactement la même chose, le très libéral Forum Economique Mondial, qui organise tous les ans ce qu’on appelle le Forum de Davos, publie ainsi un rapport annuel intitulé « Rapport sur la compétitivité globale « des pays. Sans rentrer dans les détails, il utilise pour classer les pays pas moins de 120 indicateurs différents et le coût du travail n’est que l’un d’entre eux et encore pas le plus important. Comme on peut le constater dans le rapport pour 2011-2012
http://www3.weforum.org/docs/WEF_GlobalCompetitivenessReport_2012-13.pdf
Mais de cela, l’Institut de l’Entreprise n’a cure. En effet, nous ne sommes plus dans le temps académique des travaux dits de « think tank », on est maintenant dans le temps du combat politique, si tant est qu’on en soit jamais sorti.
Acte 2 On impose les termes du débat
Certes, le gouvernement aurait rendu public début septembre le rapport Gallois, on n’en serait pas là. Mais pour des raisons qu’on ne découvrira peut-être qu’à la lecture finale de ce rapport lors de sa publication, après le 5 novembre, il a préféré tergiverser. Depuis, rarement un rapport aura fait l’objet d’autant de fuites et de rumeurs. Il faut dire que manipuler un document qui peut avoir des traductions fiscales, en plein débat budgétaire, c’était ouvrir la porte à toutes les supputations, toutes les provocations et toutes les insinuations.
Pour résumer, on a eu successivement des rumeurs sur :
Le coût salarial, démenti par l’auteur
La baisse des cotisations sociales à hauteur de 30 milliards, démentie
La réduction de la dépense publique de 10 milliards, pas démentie
L’augmentation de la TVA, pas démenti
L’augmentation de la CSG, pas démenti
La création d’une taxe pseudo-écologique sur le diesel, pas démentie
La suppression des 35 heures, démentie par l’auteur
La levée du moratoire sur les gaz de schiste, démenti par l’auteur
Si maintenant, vous voulez parler d’autres sujets qui fondent aussi la compétitivité des entreprises comme la recherche de la qualité, la montée en gamme, l’innovation, mais aussi des éléments plus subtils comme la confiance, confiance des consommateurs dans les produits, confiance des salariés en leur employeur, confiance des sous-traitants aux donneurs d’ordre, confiance des clients internationaux eu égard aux rumeurs de corruption qui planent de plus en plus sur les grands exportateurs, libre à vous de le faire mais comme il n’y a aucune fuite organisée autour de ces thèmes, ce sont donc des non-sujets et donc on n’en parle pas.
Acte 3 On lève le voile et « finie, la comédie
»
Et soudain à dix jours du dénouement, un média et pas n’importe lequel fait mine de découvrir qu’on « pense aussi à droite »
Compétitivité: l’Institut de l’entreprise au secours du rapport Gallois
Ce rapport le voici :
« Quel « choc de compétitivité » pour la france ? Diagnostic et propositions de l’institut de l’entreprise »
Que dit ce rapport très court, 9 pages écrit gros, comparé aux 80 pages du rapport initial ?
Il nous apprend qu’en fait tout a été piloté à partir de l’Institut de l’Entreprise puisque les thèmes des fuites sont ceux de l’Institut, les pistes de travail évoquées par les fuites sont celles de l’Institut, les raisonnements aussi sont ceux de l’Institut.
Il suffit pour cela de lire le sommaire
Proposition à court terme : transférer une part du financement de la protection sociale sur les ménages.
En langage « fuites », cela s’appelle réduction des cotisations sociales sur les salaires jusqu’à 3.5 fois le SMIC pour un montant de 30 milliards. Je note au passage que choc de compétitivité ou pas, c’est la rengaine du MEDEF depuis sa création par le Baron Sellières. C’était déjà l’antienne de son prédecesseur, le CNPF depuis sa création à la Libération. Nous aurions donc un déficit de compétitivité qui remonte à la Libération!
Propositions à long terme
Réforme structurelle n°1 : les négociations sur le coût et la durée du travail doit pouvoir être menées au niveau de chaque entreprise, grâce à la conclusion d’accords de compétitivité. »
En langage « fuites », on y retrouve la rumeur sur la suppression des 35 heures. Je note au passage qu’on retrouve là la revendication de faire redescendre la négociation sociale au niveau de l’entreprise en s’appuyant faussement sur l’exemple allemand où la négociation à lieu au niveau des branches. On y retrouve aussi la volonté exprimée dans le rapport de janvier d’en finir avec le dialogue social hérité de l’après-guerre. C’est ce qu’avait théorisé en son temps, l’ancien n°2 du MEDEF, et ex-trotskiste tendance HEC, Denis Kessler qui voulait « détricoter tout l’héritage du Conseil National de la Résistance »
Réforme structurelle n°2 : contraindre les secteurs protégés-sphère publique incluse- à engager des efforts de productivité, en les ouvrant davantage à la concurrence
En langage « fuites », il n’y a rien pour le moment, car cette proposition n’a rien à voir directement avec la compétitivité ou alors ce serait ouvrir un débat qui risquerait de tourner à la déconfiture du dit Institut, puisque l’étude du Forum Economique Mondial conclut en ce qui concerne la France, qu’elle ne conserve un rang honorable dans le concert des nations (passant de la 15° à la 21° place en 5 ans tout de même) que grâce à l’excellence de sa sphère publique ( dans le top 5 mondial). Bref, malgré les évidences, l’Institut veut relancer la modernisation de l’Etat sur les bases de la RGPP : quel aveu ! Et pour faire bonne mesure, on privatise des pans entiers de la sphère publique. Le rapport avec la compétitivité des entreprises est d’autant moins évident qu’on voit les grands fermiers généraux que sont Veolia ou Suez Environnement tenter de sortir de ces secteurs insuffisamment profitables
Réforme structurelle n°3 : lever les tabous énergétiques
En langage « fuites », cela signifie lever le moratoire sur les gaz de schiste. Et la presse ne lésine pas sur les articles relançant le débat, jetant la suspicion sur les études scientifiques prônant la prudence, appâtant le chaland (le contribuable) avec des tableaux idylliques des pays qui ont cédé aux sirènes hydrocarbures
Réforme structurelle n°4 : renouveler les politiques de soutien public à l’innovation
En langage « fuites », il n’y a encore rien, soit parce qu’il y a consensus sur le diagnostic, soit parce qu’il y a dissensus au sein du patronat sur les voies et moyens pour y parvenir.
J’analyserai plus avant ce « rapport » de l’Institut de l’Entreprise dans un prochain papier, mais je voulais ici mettre en lumière comment fonctionne le pouvoir d’insinuation et de déstabilisation du grand patronat , qui finalement nous donne l’impression de nous prendre pour des imbéciles.
En effet , prétendre apporter des éléments objectifs à un débat que de bout en bout on manipule, c’est quand même une grande escroquerie intellectuelle!
Post-scriptum en guise d’éclairage : Au cas où vous ne le sauriez pas la liste des adhérents de l’Institut de l’Entreprise est consultable sur son site. On peut aussi la trouver ci-dessous :
ACCENTURE ACCOR ADVANCIA-NEGOCIA AG2R – LA MONDIALE AIR FRANCE – KLM AIR LIQUIDE ALLIANZ FRANCE ALSTOM AON FRANCE APCO Worldwide AREVA ASSEMBLEE DES CHAMBRES FRANCAISES DE COMMERCE ET D’INDUSTRIE (ACFCI) ASSOCIATION NATIONALE DES SOCIETES PAR ACTIONS – ANSA AUDENCIA NANTES – ECOLE DE MANAGEMENT AXA BIOMERIEUX BNP PARIBAS BOSTON CONSULTING GROUP BPCE BRED CAISSE DES DEPOTS ET CONSIGNATIONS CAPGEMINI CARREFOUR CENTRE EUROPEEN D’EDUCATION PERMANENTE (CEDEP) CHAMBRE DE COMMERCE ET D’INDUSTRIE DE PARIS (CCIP) CIC FINANCES CIMENTS FRANCAIS CMS BUREAU FRANCIS LEFEBVRE CNP ASSURANCES COMPAGNIE FINANCIERE EDMOND DE ROTHSCHILD
CONSTRUCTIONS INDUSTRIELLES DE MEDITERRANEE (CNIM) COVEA CREDIT AGRICOLE CREDIT MUTUEL ARKEA DELOITTE FRANCE EADS FRANCE ECOLE CENTRALE PARIS EDF EDF Energies nouvelles EIFFAGE ELECTRICITE RESEAU DISTRIBUTION DE FRANCE (ERDF) ELIOR EM Strasbourg ERNST & YOUNG ESC DIJON BOURGOGNE ESCP EUROPE ESG Management School ESSILOR INTERNATIONAL FAURECIA FEDERATION DES ENTREPRISES DE BEAUTE (FEBEA) FEDERATION NATIONALE DES TRAVAUX PUBLICS (FNTP) FONDATION HÔPITAL SAINT-JOSEPH FRANCE TELECOM FUJITSU GALERIES LAFAYETTE GALILEO FINANCE GDF SUEZ GEODIS GROUPAMA GROUPE CASINO GROUPE DES INDUSTRIES METALLURGIQUES DE LA REGION PARISIENNE (GIM) GROUPE ESC TROYES GROUPE ESSEC GROUPE EUROTUNNEL GROUPE HEC GROUPE HENNER
GROUPE INSEEC Groupe OMNIUM GSE HP FRANCE HSBC FRANCE IBM FRANCE IDRH IFG CNOF INVESTORS IN INDUSTRY SA (3i SA) JCDecaux JP MORGAN KEA & PARTNERS KPMG L’OREAL LA BANQUE POSTALE LA COMPAGNIE FINANCIERE EDMOND DE ROTHSCHILD LA FRANCAISE DES JEUX LA POSTE LAFARGE LES EDITIONS AMAURY LVMH MALAKOFF MEDERIC
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