Le milliardaire et les niches

Le conseil des ministres du 24 août doit faire des propositions de rééquilibrage budgétaire et dans le débat d’idées qui occupent les après-midi estivales paresseuses, cette opinion publiée dans Le Monde a attiré mon attention autant par son titre que par son contenu

http://www.lemonde.fr/idees/article/2011/08/18/y-a-t-il-une-politique-fiscale-en-france_1560390_3232.html

Et comme cet article fait la part belle aux niches fiscales arrêtons-nous  y un instant !

Pourquoi la réalité sur les niches fiscales ferait-elle peur ?

Il existerait, paraît-il, un rapport de l’Inspection Générale des Finances qui ferait le tour de la question des niches fiscales, de toutes les niches fiscales. Si ce rapport existe pourquoi attend-on l’automne pour le publier alors qu’il était promis avant la trêve estivale?D’autant que cela fait longtemps que l’IGF n’a plus fait preuve d’un grand esprit révolutionnaire. Les rapports successifs de la Cour des Comptes ou des rapporteurs généraux du budget ont cependant déjà largement défloré le sujet.

Faisons néanmoins quelques constats :

1° constat : L’impôt sur le revenu pèse de moins en moins lourd 

L’IR a rapporté a peine plus en 2009 qu’il ne rapportait en 2000 : 47.7MM€ contre 47.3.MM€ Pourtant le revenu brut des ménages a progressé de 37% dans le même temps passant de 702.3MM€ à 963,1MM€ Du coup le taux moyen d’imposition est passé de 6.73% à 4.95%, soit moins que la CSG qui rapporte quant à elle 81 MM€

Heureusement d’ailleurs que la CSG a été inventée par Rocard, sinon on pourrait dire que l’imposition des revenus est devenue une recette marginale dans le budget de l’Etat.

Comme nombre de niches fiscales s’applique à l’impôt sur le revenu, il n’est pas nécessaire d’être grand clerc pour comprendre que leur prolifération est en grande partie responsable de cet état de fait.

2°constat : Le coût des niches fiscales dérape

Officiellement les 500 niches fiscales ont coûté 72 MM€ en 2010. C’est plus que prévu. A croire que le débat sur les niches fiscales a éveillé l’intérêt des Français pour ces mécanismes. Voici un petit florilège des dérapages :

TVA à 5.5% dans la restauration 3.13 MM€ au lieu de 3 MM€

Prime pour l’emploi : 3.56MM€ au lieu de 3.2MM€

Exonération d’IR pour les HS (loi TEPA) : 1.36MM€ au lieu de 1,2MM€[MdlJ1] [MdlJ2]

Le Crédit Impôt-Recherche : 4,5 MM€ au lieu de 4MM€

Le bénéfice du régime mondial consolidé (privilège de 5 groupes financiers ou industriels) : 461 M€ au lieu de 312 M€

D’autres niches qui coûtent cher mais ne dérapent pas :

Le crédit d’impôt sur l’amélioration écologique de l’habitat 2,6 MM€

Le crédit d’impôt pour l’emploi de personne à domicile : 1,75 MM€

TVA réduite pour les travaux dans son logement : 5.05MM€ au lieu de 5.15MM€[MdlJ3]

IV Que nous propose-t-on  pour fin à ces niches fiscales?

*Un député UMP propose de limiter les déductions fiscales à 50% du montant total de l’impôt.

A 50% ? Parce qu’il y en a qui arrive à étouffer plus de 50% de leurs impôts grâce à ces niches fiscales?

Si on considère que la niche fiscale est la faculté laissée à chaque contribuable de choisir de façon autonome à quoi peut servir l’argent qu’il reverse à la communauté, 50% ce n’est plus une faculté, c’est une libéralité ! 10% c’est déjà un maximum !

Cela dit, sur un point, il a raison ce député : mettre un plafond global à cette faculté accordée à un contribuable réduit la dépense fiscale sans que le legislateur ait à choisir à la place du contribuable où il veut faire sa « contribution volontaire »

*Bercy travaillerait sur la taxation des plus-values sur la vente de résidence secondaire. A partir du moment où on a décidé que les non-résidents n’étaient pas soumis à une surimposition sur leur résidence secondaire en France, alourdir la taxation de celles-ci pour les résidents fait l’effet d’une provocation d’autant que le gain attendu apparaît dérisoire au regard des enjeux : 370 M€.

Curieusement, on parle toujours des mêmes niches qui concernent un grand nombre de contribuables et donc affichent des gros chiffes au compteur de la dépense fiscale mais dans les 500 niches en question, il en est plein qui ne concerne que quelques milliers, voire quelques dizaines de milliers de contribuables qui prises séparément ne rapportent pas ces montants mais  qui prises collectivement rapporteraient gros.

Incidemment, je soupçonne fort que ce soit ces mécanismes qui font en sorte que cumulés, ces avantages fiscaux dépassent la fameuse barre des 50%

Mais au-delà, que propose-t-on ?

*la surtaxation des hautes revenus, c’est-à-dire 1% ou 2% de plus sur les revenus dès lors qu’ils dépassent le million d’Euro

Et ceux qui proposent cela se réfèrent à l’idée apparemment iconoclaste lancée par Warren Buffet : il faut plus taxer les plus riches. Outre que la proposition paraît bien timide par rapport à ce que propose le milliardaire américain, elle fait quand même l’impasse sur deux points : si l’imposition des revenus des plus aisés parait aussi faible, c’est que d’une
part, ils bénéficient au maximum des avantages fiscaux (voir ce qui est dit précédemment sur les niches fiscales) et d’autre part parce que leur revenu, qui sont le plus souvent des revenus du capital, sont moins taxés que les revenus du travail. Avant de se lancer dans des tranches additionnelles provisoires, il serait peut-être préférable de commencer par mettre en œuvre des mesures simples : aligner progressivement l’imposition de tous les
revenus quelle que soit leur source et deuxièmement plafonner l’avantage global qu’apporte l’utilisation des mécanismes d’avantages fiscaux et progressivement
supprimer toutes les dépenses fiscales dont l’efficacité n’est pas justifiée.

En outre, on peut également considérer que la proposition de Warren Buffet n’est ni plus ni moins qu’une façon de faire la part du feu.

http://blogs.mediapart.fr/blog/jean-luce-morlie/170811/warren-buffet-l-effet-debord-et-le-roi-lear


 [MdlJ1]Auquels il faudrait en toute logique rajouter les 2.9MM€ d’exonération n de cotisation sociale (source : ACOSS)

 [MdlJ2]Et dire que ce surcout est dû à la reprise est un pieu mensonge : en 2011sur
les deux premiers trimestres les exonérations de cotisations sociales représentent déjà 1,515MM€ (contre 1,407MM€ pour la même période de 2010) alors que la croissance a été de 0.9% et de 0.0% au cours de ces deux trimestres

 [MdlJ3]Mais il en existe de plus exotiques et moins connues (et pour cause : de l’aveu même de Bercy, le nombre de bénéficiaires se compte parfois en centaines de contribuables seulement)

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